Arié Mandelbaum, B.K.M., tempera et technique mixte sur toile, 90×90 cm, 2017. Photo © Brice Vandermeeren
L’Intime & Le Monde met en lumière une sélection d’œuvres de trois plasticiens contemporains bruxellois : une installatrice, Marianne Berenhaut et deux peintres, Sarah Kaliski et Arié Mandelbaum. Par-delà leurs singularités, Marianne Berenhaut, Sarah Kaliski et Arié Mandelbaum partagent des traits communs manifestes dans leur rapport au monde, leur imaginaire, leur biographie et leur quête respective. Ils jouent tous les trois d’incessants allers-retours de l’intime des corps souffrants et désirants aux horreurs infligées par l’Histoire.
Ces trois artistes ne font pas école. Ils ne constituent pas une communauté esthétique mais un destin commun et la mémoire revisitée – la génération des enfants juifs bruxellois ayant survécu à l’extermination – les unissent et contraignent chacun à rendre visible, à actualiser un temps commun fondateur de leur parcours de vie et de création. Chacun nous parle à sa manière d’un monde qu’il partage.
Marianne Berenhaut (Bruxelles 1934) met en scène des objets du quotidien. En chinant et en récupérant ce qui l’inspire, elle anoblit les déchets du monde. Elle dispose rigoureusement ses trouvailles et fait récit de leur réassemblage, oscillant entre tragique et humour. Ses installations disent l’absence, le sans retour et la vaine attente mais aussi l’enfance et la gémellité. Espiègle autant que grave, « elle trottine dans l’épouvante », comme l’évoque son ami peintre Walter Swennen.
Une fougue et une énergie irrépressibles animent Sarah Kaliski (Bruxelles 1941 – Paris 2010), peintre, dessinatrice et écrivaine. Tout support convient à ses passions : les pelures séchées d’avocat en passant par les sous-verres en carton, les bâches aux dimensions surhumaines et le noble papier de soie. Elle n’a de cesse d’aller de sagas amoureuses en destins tragiques d’enfants et de familles détruites. Rien n’arrête Sarah, sinon la mort venue trop tôt.
Dans les tableaux d’Arié Mandelbaum (Bruxelles 1939), portraits et scènes de l’Histoire épurés surgissent du blanc, y retournent, en reviennent. Les vibrations du temps sont infinies. Elles ont la présence insaisissable des spectres mouvants. Corps sans corps, volumes en lévitation, le peintre convoque la mémoire. C’est littéralement par le blanc aveugle des yeux que le monde et l’intime s’échangent. Le sexe féminin à la sanguine s’accouple à la rampe quasi abstraite d’Auschwitz. Un peu de jaune, un peu de rouge… et le noir dans tous ses états.