LAST TRAIN

LAST TRAIN

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Le Sud de l’Alsace est une zone sismique. Partant de ce postulat, est-il possible que la prochaine secousse tellurique digne de ce nom dans le milieu du rock soit Last Train ?! Certains parleront de simples répliques. Foutaises ! Depuis plus de trois années ce groupe mulhousien armé d’un rock’n’roll pugnace, brutal et généreux taille son sillon dans le paysage sonore français. En véritables marins, ils ont déjà écumé les salles de l’Hexagone avec leurs prestations dantesques, porté le fer dans l’Outre-Mer, secoué les tripes de l’Europe, tutoyé les Etats-Unis et ont été salués en Asie (se payant le luxe de jouer en Birmanie l’an passé). Plus de deux cents concerts sur la période et, au vu de la tournée qui se rallonge toujours un peu plus, 2017 sera aussi une année remuante. Avec ses 12 titres, Weathering se présente comme une onde de choc qui va secouer la France en ce mois d’avril, en rabotant, que dis-je, en érodant les enceintes et les oreilles de ses auditeurs. Plongeons ensemble au cœur de cette zone de turbulence quelques jours avant sa sortie officielle.

 

Un rock’n’roll brut …

Holy Family en 2015 et Fragile en 2016 furent deux EP d’excellente facture. Last Train se devait de passer la vitesse supérieure en se jetant à corps perdu dans l’exercice du premier opuscule. Les quatre jeunes hommes ont donc érigé un solide 12-pistes de 54 minutes, composé de 4 titres puissants, connus et garantis 100% efficacité (l’excellentissime Fire amended, qui mériterait une chronique à elle seule, Way out, House of the moon et Cold fever), auxquels ils ont adjoint 8 nouveaux nés taillés dans un rock’n’roll décomplexé et sauvage proche de leurs prestations live.

Rudimentaires mais nécessaires, les baguettes d’Antoine Baschung calent l’ouverture de Dropped by the doves, première piste de blues rock aux accents abrasifs, à l’instar du BRMC. On croirait assister à une énergique répétition d’avant concert vibrant au son des guitares distordues et chaloupées. Le ton est donné et sans répit l’explosive Never seen the light s’enchaîne. On jubile pendant 2 minutes 40 avec ce titre fougueux, perçu comme une envie irrésistible de tout envoyer valser, et au cours duquel le chant de Jean-Noël Scherrer se veut nerveux et effronté.

Une formule efficace que l’on retrouve sur Between wounds, le premier titre délivré et immortalisé par un clip. Le son est roots, limite crade et fait écho au remarquable The Bartender and the thief des Stereophonics. Cette niaque est également vérifiable sur les titres précités et issus des mini-albums. Way out s’enracine dans une terre rugueuse : les sonorités sont empreintes de rock stoner, notamment les breaks gratifiant la lourde basse de Timothée Gérard ainsi que le riff de guitare à la QOSTA. Quant à Cold fever, y a-t-il encore besoin de présenter cette claque aux chœurs légers et à la hargne suintante ? Un titre culotté, certes datant de 2015 tout comme le boulet rouge qu’est Fire amended, mais qui ont contribué à forger la réputation du groupe sur scène.

 

… lorgnant sur la boite de pandore.

En marge de cette collection de titres bruts de décoffrage essentiellement positionnés en tête d’album, les quatre musiciens proposent aussi du matériel riche en expérimentations. Ralentissant ici ou là la pulsation (Jane, Sunday morning son), Last Train met à plat tout le sceptre des émotions. La rage de vivre cohabite avec la mélancolie (Weathering), le trouble et bien d’autres états d’âme.

Frôlant les 8 minutes, Jane est le morceau de bravoure de cet opus, tiraillé par les guitares déchirantes de Jean-Noël et de Julien Peultier. Distorsions maousses et larsens délectables sont souverains au cœur de ce blues atmosphérique très inspiré. De même, la basse gagne en épaisseur au point d’apparaître comme une épine dorsale pleine de langueurs.

Dernier morceau dévoilé, Golden Songs est bien plus posé que les précédents et génère une atmosphère de campus estudiantins US. Un single bien pensé, à la lisière de la pop et du rock.

Écrite en 2016, la remarquable balade enlevée House of the moon avait ouvert la voie vers un horizon plus délicat sans en prendre vraiment la direction. A contrario et arrimée à une mélodie introductive proche d’Imagine, Sunday morning son transporte l’auditeur en pleine apogée britpop : l’orchestration, la voix nasillarde telle Liam Gallagher ou encore les interventions de la lead sonnant comme l’Epiphone Sheraton de son frère ennemi, etc. Hommage ou mirage ? L’oasis semblait à portée de main…

 

Un sentiment d’incertitude se diffuse à travers l’hydride Time, titre prenant pied dans une pop rongée par la nervosité et qui se laisse vampiriser par des relents rageurs et progressifs. Les nappes du clavier à la Fleetwood Mac, la basse intermittente et les changements de rythmes du batteur appuient cet aspect très 70’s jusqu’au thème final, ponctué par un déluge de guitares lancinantes, stoppé net en plein vol.

Conclusion éponyme de cet opus, Weathering se présente comme le mariage du feu et de la glace. Une mélodie lente et arpégée affronte en vain un thème principal massif, solennel et inspirant la désolation, qui s’impose dans une valse martiale et fracassante.

 

Si les années ‘90 ont vu la suprématie de Noir Désir, la décennie ‘00 l’éclosion des formations nu metal estampillées Team Nowhere, la seconde moitié des années 2010 peut être burinée par le rock’n’roll sauvage des Last Train. Le groupe a su transférer sa fougue juvénile et sa puissance scénique sur ce disque. Weathering est une boule de rage à la limite du collapse émotionnel. Abrasif à la première écoute, il se révèle ensuite d’une richesse mélodique incroyable et fuit vers des horizons variés. Tant d’éloges pour des jeunots? Soyons déraisonnables. Actuellement peu de groupes français arrivent à la cheville de celui-ci, fort d’une maturité musicale indéniable et acquise au fil de brûlantes performances sur les planches. Avec un parcours sans faute depuis leurs débuts réels en 2014-2015, ces bêtes de scène – ouvrant pour Muse et prochainement pour Placebo, s’il vous plaît du peu – sont également devenus patrons d’une agence de booking et du label Cold Fame Records. Même avec Éole ou Zégut en poupe, ils continuent de ramer et sont indéfectiblement à la barre ce généreux vaisseau blues rock.

  • Benoît GILBERT
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