Serge Delisle infos

Serge Delisle

2019

Bonjour mes amis (ies) Voici la suite des photos du tournage du dimanche 28 juillet 2019. Je vous présente ma petite équipe chic et choc….

Les photos sont de Jean Luc Damba que je remercie infiniment.

Réalisation Serge Delisle et co-réalisation Adrien Assous. Mise en scène Serge Delisle.

Comédiens de cette scène :
Natacha Bounet Championne
Abdel Crixus Bastos
Lucian Popescu
Serge Delisle

Perchman : Léo Racklambs

Merci : Maud Adam Pour ton coup de main à cette production et surtout ta disponibilité.

A la cuisine, celle qui est toujours là, pour nous soigner et donc nous régaler entre deux prises par ses bons petits plats :
Lyly Lyly Lyly ” Lydia Bangou ” de NOS TENDANCES
TRAITEUR…

Merci à toi Gabriel Pour avoir à ma disposition tes locaux (studio photos, studio web TV, salon, bureaux) à Montreuil pour mon tournage.

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Pour mon film “DARKNET 3. 0” (Bienvenue en enfer) l’actrice Myriam Charleins qui a jouée entre autre dans “la Belle et la Bête” avec Vincent Cassel, sera dans mon film en Guets star dans le rôle d’une inspectrice de police de la brigade des mineurs… …

Mes amis (ies) voici le lien de mon crowdfunding (cagnotte participative ) chez ULULE. Si vous voulez participer financièrement à mon projet en m’aidant pleinement à le réaliser, merci d’avance… Je compte sur vous…

D’après un rapport Ministériel…. En France, il y a 49 000 disparitions d’enfants et sur ce nombre, environ 11 000 ne sont jamais retrouvé… Mon film qui est un Thriller (film policier) parle de ce sujet…

Je pense que beaucoup de parents ce sentiront concernés…
N’hésitez pas à partager le lien ULULE avec vos amis et vos proches…

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L’image contient peut-être : Myriam Charleins, sourit, gros plan
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2018

Bientôt la promo commence. Rendez-vous dès mercredi 29 août avec la FNAC de Montparnasse pour les mises en place. Puis coup d’accélérateur pour les émissions télés, radios, pour septembre 2018. Pour ceux de mes amis et celles de mes amies, qui veulent acheter l’ouvrage et le recevoir dédicacé par la poste, vous pouvez me joindre en message privé.

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Pour cet évènement, il nous manque des photographes pour l’immortaliser sur tous les angles. Contactez : Anne-Bénédicte Pprm

Retour en image ( à partager sans modération ) sur les artistes au grand coeur qui seront présents cette année sur Résous-Moi 2018 afin de faire entendre leurs voix, textes et consciences sociales.
Mais surtout de par leurs présences et actions de com, aider les orphelins (collecte solidaires de vêtements, fournitures scolaires, matériel médical tout au long de l’année) à obtenir l’éducation scolaire et intellectuelle qui leur revient de droit et qui leur fait cruellement défaut par manque de moyens. 📚📚📚

Mon équipe et moi-même, vous en sommes infiniment reconnaissants 💘🌈💘🙏🏻
https://www.facebook.com/pg/CoupsDeCoeurPprm/photos/?tab=album&album_id=1968580419843390 — reconnaissante, avec Kien Smso et 6 autres personnes.

Bonjour mes amis (ies) Très bonne nouvelle, le livre est arrivé aujourd’hui. Merci à tout ceux qui veulent le commander. Il est magnifique avec son recto-verso en papier glacé de de la meilleur des qualités… Je vais me renseigner pour trouver une pochettes pour pouvoir le mettre dedans et vous l’envoyer sans qu’il soit abimé. Naturellement je vous le dédicacerais à votre nom… Je vous remercie d’avance de votre soutien. Pour les 2000 premières personnes qui auront acheter ce roman-Théâtre. Ils pourront non seulement voire la pièce, assisté après à un concert de soul-Funk, avec mes titres, dont “Germaine” et continuer la soirée danse “DJ” le tout pour 50% du prix des places. J’espère que cela ce fera au Palace ou au grand Rex à Paris. Je vais préparer ça pour fin 2018, début 2019.

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THEATRE

Serge Delisle

Facebook : serge.delisle.18
Delisle2@orange.fr

 

Photos Jean Paul ” Guerrier ” Bellanger

 

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https://www.youtube.com/watch?v=bTzBHI8vkfE
ET DE MON CŒUR COULE UNE RIVIERE DE LARMES SECHES

COMEDIENS
Le Narrateur
Le Narrateur jeune
Eliaz (garçon)
Eliaz (adulte devenu vieil homme)
Fatou (jeune fille)
Fatou (adulte)
Adénor (jeune femme blanche)
Azukilé (garçon)
Azukilé (adulte)
L’homme roux
I cho
EVA
Param
Le rideau est baissé… les 3 coups… Une musique retentit… Puis au bout de 3 minutes le rideau s’ouvre. Des enfants, des ados et des adultes, de toutes les couleurs (femmes, hommes, filles, garçons) se déplacent et vont s’asseoir peu à peu, un peu partout autour de la scène. Un homme est au milieu, c’est le Narrateur. Il est métis… Musique de tambour Gwo KA qui retentit et rythme la pièce avec des chants créole…

Le narrateur (au public)
Aux Antilles quand un conteur raconte une histoire, tout le monde doit participer. Le rituel est très simple. Quand je dis (Eh Kri) la paume des mains lever… et qu’après, je vous désigne, tous avec mes deux index, vous devrez me répondre par : (Eh Kra.) La tonalité de votre réponse dépendra de mes doigts. Si je les pointe en haut vous serez dans l’aigu, vers le bas, dans les graves. Donc (Eh Kri !!!) Le narrateur désigne le public. (Eh Kra) et cela quand seulement je vous désigne. Je peux donc très bien dire (Eh Kri) sans vous désigner tout de suite et le faire après plusieurs tirades d’un comédien ou de moi même… Il faut écouter les mains du narrateur. Les gestes deviennent ainsi un langage de signes, de mots qui vont nous rapprocher. (Eh Kri) (Eh Kra) Dans ce conte, vous pourrez applaudir des phrases que vous aimez, ou hués, celles qui ne vous plaisent pas. Vous serez libre de vous exprimer comme vous l’entendez… En ce moment même, vous faîtes partie du devenir du monde. Si vous êtes vivant. Prouvez-le, car maintenant, vous être au centre de ce qui a été, de ce qui est, de ce qui sera. Et de ce qui fera la France du futur. L’histoire de tout temps s’est toujours écrite par des parts de malheur et des parts de bonheur.

Le narrateur désigne le public et tout le monde (Eh Kra)
Fond musical de tambour pendant qu’il parle.
Shakespeare a écrit « De rien, rien ne peut naître » Donc si nous croyons en cette maxime, nous pouvons en déduire : « que de tout, tout peut naître. » Que ce n’est pas le fruit du hasard si nous sommes ici bas. Que si ce soir, je me retrouve devant vous, c’est que je suis tout comme vous, le résultat d’une évolution de plusieurs siècles de copulation ininterrompu… Réussi intellectuellement ou pas… Volontaire ou pas. Issu de l’amour ou pas… Cela va bientôt commencer et je ne veux pas vous influencer. Je veux vous laisser seul juge de la conclusion de cette épopée.

Oublions un instant les religions monothéistes qui parlent de l’homme comme étant issu du divin. Quand on voit l’intelligence et le comportement de certains d’entre eux, on peut en douter. Soit, que ce Dieu unique qui porte plusieurs noms, n’a pas eu le temps de les finir. Ou soit c’est du travail bâclé. Un homme conçus par de multiples Dieux, ça se comprend mieux. Un homme né de mythologies ou de croyance polythéiste, le concept est plus logique dans sa diversité. Tout le monde peut y trouver son compte ou sa nature profonde.
Un Dieu à tête de rat, à tête de hyène, de chacal, de serpent, et j’en passe. Là, l’être humain peut s’identifier franchement dans ses travers comme les Egyptiens le faisaient au temps anciens. Bon rassurez-vous mes amis… Ceci n’est pas le sujet de cette histoire. Ce soir, nul besoin de revenir aussi loin dans la Genèse de l’humanité… Remontons simplement dans les temps que les anciens de chez nous appellent, les temps longtemps. Donc des temps lointains, qui ne sont pas si loin que ça, puisque les très vieux s’en souviennent encore…

Le narrateur (Eh Kri) le public (Eh Kra) le narrateur (Eh Kri) le public (Eh Kra)
Nous sommes revenu au 16èmesiècles. (Les tambours résonnent) Ecoutez le murmure du vent qui claque sur les fenêtres en bois de la case. La nuit est déjà tombée. Après avoir diné, maintenant vous êtes tous ensemble réunis autour de moi. En tant que Grio, je commence à vous relater les faits anciens. Vous êtes dans un lieu austère, mais chaleureux. Vous êtes autour d’un immense feu, et les personnages que je vais vous décrire, vont apparaître par le biais des messages que je vais recevoir de l’au delà… Et en moi, l’esprit des ancêtres disparus, va revenir ce soir parmi nous…

EN TEMPS LONGTEMPS, (EH KRI) Le public (EH KRA)
CA TE KA PASSE KON CA. (Eh KRI) le public (EH KRA)

Un proverbe Breton dit «  An heni na avantur netra nà koll nà gounid ne ra »
Cela veut dire « celui qui ne risque rien, ne perd, ni de gagne. » Un petit garçon blanc (Eliaz) rentre sur scène pendant que le Narrateur s’en va. Il répète le proverbe.
Le garçon
« Celui qui ne risque rien, ne perd ni ne gagne »
Je me souviens qu’en ce jour du printemps de l’an 1653, j’ai déjà 12 ans. Je me nomme Eliaz Duenth. J’aime de bon matin, virevolter comme un papillon dans les fougères de ma Bretagne natale. La rosée n’ayant pas encore disparue, je sens encore dans la plaine, les bruns d’herbes humides me faire des chatouilles sous la plante de mes pieds nus.

J’aime courir comme un dératé jusqu’à la pointe de saint Gildas de Rhuys. Et quand j’arrive sur cette falaise, j’écarte les bras pour sentir flotter entre les déchirures de mes vêtements en lambeaux, les caresses de la brise qui s’y engouffre. Puis après ça, je vais m’asseoir, les pieds dans le vide pour admirer l’immense océan qui s’offre devant moi.

Par tout les temps, j’aime contempler l’horizon où je vois le ciel et les nuages se marier ou se perdre dans la mer. Souvent pendant quelques minutes, pour deviner les forces de l’univers, je ferme les yeux pour mieux les ressentir. J’imaginais alors que j’étais un petit lutin qui était assis sur les ailes d’un vent familier qui me conduisait vers de nouveaux mondes. Mais après cette belle émotion, je ressentais toujours une pointe de déception quand j’ouvrais les yeux. Je redevenais alors, un petit garçon qui ne grandissait pas assez vite à son goût. J’étais venu au monde dans un milieu qui me montrait tous les jours ses injustices. J’étais né dans une castre pauvre et pour l’instant, je ne pouvais rien y
changer… Dans la famille nombreuse où je vivais, chacun devait se débrouiller à sa manière pour survivre… Mais grâce à mon têtu caractère, je n’avais peur de rien. Cela se voyait par mon humeur toujours égal. Même la grisaille coulait sur moi sans laisser de traces visibles… Je n’étais pas un Breton pour rien…

Très tôt, j’avais découvert que le sourire était une arme. J’étais donc d’une nature optimiste, et tel un prince qui veut devenir roi, je rêvais de maitriser mon futur destin. Pour moi, il ne pouvait qu’être rempli de promesses. Je l’imaginais avec la foi de celui qui veut changer le monde qui l’entoure. J’étais persuadé que l’avenir appartenait à ceux qui avaient de l’audace.

J’avais entendu parler de mondes merveilleux et je pensais qu’en les découvrant à mon tour, tout me serait possible… Aussi loin que ma mémoire pouvait remonté, j’étais persuadé que ce Hameau de bord de mer où j’habitais, était trop petit pour les rêves d’aventures et de gloire que je portais en moi.

J’avais toujours vu mon père, trimer du lever au couchant dans les champs, et je ne voulais pas mener la même vie que lui. A part des dettes, à son âge, il ne possédait ni biens, ni fortune. Même notre vieille bicoque ne lui appartenait pas. Il louait selon les saisons, ses bras au plus offrant. Il le faisait tantôt à la journée ou tantôt au mois. Il travaillait comme un serf pour les grands propriétaires des environs ou le châtelain du coin. Quand je le voyais traiter mon père moins bien que ses chiens de compagnies ou de chasses, j’enrageais… En plus, ceux-ci dormaient et mangeaient bien mieux que nous et eux au moins, en hiver, ils étaient bien au chaud, alors que nous, non…

Il finissait sa journée fourbue, mais malgré ça, il arrivait à nous apporter beaucoup d’amour. C’était une des choses importantes qui rythmait les bons jours et adoucissait parfois les mauvais. Son amour m’aidait à me construire, car il était infini. Malgré les sentiments que j’éprouvais pour lui, je devinais dans ses yeux que tous ses rêves d’enfance avaient disparus. Cela me rendait triste pour lui. Qu’ils s’accomplissent ou pas, on ne devrait jamais renoncer à ses rêves. Je me jurais à moi même, que je ne renoncerais jamais aux miens. Que je n’accepterais jamais les affronts qu’il subissait, sans me battre. Qu’un jour, je serais riche… Qu’un jour je serais le plus heureux des hommes. Que je ferais partie de l’élite de ce pays et du monde…
Le narrateur revient au milieu de la pièce (Eh Kri)…Tout le monde (Eh Kra) (Eh Kri) (Eh Kra) (puis silence) le narrateur se met dans un coin de la scène.
Le garçon (reprend.)
J’avais décidé que je ferais fortune et que je goûterais tout ce que la terre peu produire de meilleur. De la bonne viande, de bons légumes et des gâteaux, des bons gros gaaateaux, autant que je pourrais en avaler. J’avais entendu parler de fruits exotiques qui étaient plus sucré que le miel que j’arrivais parfois à voler aux abeilles en été. Rien que d’y penser, j’en salivais à l’avance… Hummmm, miam, miam moi. J’avais décidé dès lors, que plus tard, je serais le roi des gourmands.

Pour une grande partie des enfants de mon époque, seule la nourriture nous rendait heureux et nous donnait un peu de plaisir. Les jouets des riches ne nous intéressaient pas. Pour s’amuser un peu, un vulgaire bâton nous suffisait. On en faisait une épée et entre garçons, on jouait pendant des heures à la guerre.

Sous le règne de Louis XIV, dit le Roi-Soleil, la faim venait souvent frapper à notre porte. Les riches n’avaient aucune idée du goût qu’avait le rutabaga. Aucune idée des racines sauvages que nous mangions et qui provoquaient parfois, des crises de coliques atroces qui nouaient nos estomacs de douleur… C’était encore plus dur quand l’automne et l’hiver arrivaient. Le vent et la pluie s’engouffraient dans les nombreuses fissures de notre mansarde délabrée et cela ajoutait à nos journées pas belles, un froid humide et glacial… Même le feu de bois qui crépitait dans la cheminée de l’unique pièce où nous dormions et où ma mère faisait la cuisine, n’arrivait pas à nous réchauffer.

Je trouvais tout ça triste, mais je n’avais pas le choix. Je me contentais du peu que ma famille me donnait. Je n’avais qu’une seule envie, qu’un seul but : grandir pour pouvoir partir… Partir très loin, partir tout au bout de la terre où le mot abondance aurait un sens. Je sentais que si je savais l’apprivoiser, l’univers me serait agréable et me livrerait tous ses secrets. Mes nuits étaient peuplées de grands bateaux qui s’éloignaient toutes voiles dehors, pour disparaître dans l’horizon. Dans mes rêves, ils ne laissaient qu’une petite trace d’écume blanche, comme preuve de leur éphémère passage.

Dans ma tête remplie des couleurs de l’été, ils voguaient sur les océans pour rejoindre, ce qui était à mes yeux, le mystérieux pays que la Bible décrivait… Le fameux pays de l’Eldorado.

Mais il y avait quand même un petit problème… Les marins que je croisai de temps en temps m’avaient décrits qu’à l’autre bout des océans, il se passait des choses horribles. Ils racontaient, qu’il existait dans des contrés lointaines des animaux plus féroces que les diables de l’enfer.
Des sauvages à face humaine qui adoraient manger les blancs, car ils trouvaient leur chair plus tendre que celle des poulets. Ouh la la, maman, j’avais quand même un peu peur !!! Je voulais pas être dévoré comme un vulgaire poulet par des sauvages moi… Je voulais simplement devenir riche.

Ils disaient que ces carnassiers, mi-hommes, mi- bêtes, étaient plus terribles que les loups garous dont j‘avais entendu parler par les vieux dans les veillées. Même si je n’en avais jamais vu, je ne m’aventurais jamais dans la lande aux heures du diable…
– Les heures où le diable pouvait apparaître étaient soit au douze coup de midi, soit au douze coup de minuit… Les récits qui parlaient de ces monstres m’impressionnaient, mais comme un grand, je ne le montrais pas. Ces marins affirmaient encore, que selon leurs pays d’origines, ils possédaient un langage bizarre. Il était paraît-il, fait de bruit, mais qu’on on pouvait parfois arriver à les comprendre. Puis ils rajoutaient que ces créatures semblables mais pas comme nous, avaient plein de couleurs différentes. Qu’ils y en avaient des noirs, des marrons, des jaunes, des rouges et que leur sang avait la couleur de leur peau. Là, j’avais un doute. Comme ces marins racontaient leurs voyages dans l’auberge du village après avoir bu beaucoup de calva et d’eau de vie, je ne croyais pas vraiment à ce genre de bêtises. En moi-même, je me disais que s’ils avaient rencontrés des êtres aussi redoutables, comment pouvaient-ils être encore en vie pour raconter ces histoires qui ressemblaient à des fables abracadadantesques.

Le Narrateur (Eh Kri) Le public (Eh Kra) Le garçon (Reprend)
En y réfléchissant le soir dans mon lit, dans ma tête, tout cela restait quand même un peu confus. On disait que les nobles avaient du sang bleu, mais n’empêche, quand ils se blessaient, leur sang était aussi rouge que le mien. Un dimanche après la messe, je questionnais monsieur le curé sur mes doutes. Il me répondit qu’il s’agissait de propos d’ivrognes blasphémateurs. Qu’il était impossible que ce genre de bêtes soit disant humanoïdes, soit des descendants d’Adam et Eve. Par contre, pour conclure, il m’affirma que même s’ils nous ressemblaient en étant de couleurs différentes, tout comme les animaux, leur sang devait être aussi rouge que tout ce qui respire et vie ici bas… Insectes et cochon compris…

Le Narrateur (Eh Kri) Le public (Eh Kra) Le garçon (Reprend)
J’avais tellement embêté mon papa avec mes envies de voyages, que par un beau matin de juillet, il se sentit obligé de me conduire dans le port de Lorient. Malgré la longue distance que nous devions parcourir pour aller là-bas, nous primes la route avec nos sabots du dimanche.

J’avais décidé de visiter une immense caravelle dont j’avais appris l’arrivée sur nos côtes…
Pendant que mon père se désaltérait dans l’une des auberges du port, je montais pour de vraie à son bord. Sur le pont, je caressai la barre, je maniai le sextant et je grimpai sur le mât de misaine. J’avais les yeux qui pétillaient d‘envies. Eblouie par la majesté de ce bâtiment, je demandai au capitaine si j’avais l’âge pour être un mousse et partir avec lui. Il me répondit que oui, mais qu’il partait dans trois jours. Il continua en me disant que si je voulais embarquer, il fallait convaincre mes parents d’accepter rapidement mon projet… Pour moi ce bateau était une chance inespérée et en plus, elle s’appelait « La Bonaventure. »

Sur le chemin du retour j’étais rempli du bonheur d’être enfin heureux. Mon père m’avait appris que le bonheur se perdait en grandissant. Qu’il fallait le saisir le plus tôt possible. Essayer de le garder le plus longtemps possible pour ne pas le perdre en chemin. De me voir heureux, l’alcool lui fit retrouver un peu de sa part d’enfance et il fut d’accord pour que je réalise mon rêve.

Pour maman ce fut très difficile… Pour la convaincre définitivement, je la persuadais que comme ça, à la maison, elle aurait une bouche de moins à nourrir. Que je mangerais enfin à ma faim tous les jours. Après beaucoup de discussions, le cœur lourd, elle me laissa partir, en me donnant sa bénédiction. Elle me souhaita bonne fortune et elle me promit de prier tous les jours pour moi. En me poussant à l’exil, la pauvreté venait de lui voler son premier fils. Elle qui ne se plaignait jamais, venait de découvrir ce que signifiait la tristesse de voir un être cher s’éloigner de soi.

Après des adieux difficiles, je montai sur le bateau de mes rêves pour parer à la manœuvre avec tous les autres membres de l’équipage. L’esprit joyeux, je m’éloignais avec assurance de la côte. Je laissais derrière moi mon pays de naissance, et tout ce qui allait avec. Je m’efforçais de tout oublier, pour faire place nette dans ma tête. Je voulais que l’homme nouveau que je voulais devenir s’épanouisse. Même les mouettes me donnaient raison. Comme des bouts de tissu de satin blanc, elles tournoyaient au dessus des voiles et de mes cheveux longs, qui flottaient au vent…
Il faisait beau temps et des rêves nouveaux s’ouvraient à moi. Pourtant, ils se mélangeaient encore aux anciens, et une certaine confusion régnait dans ma tête.

Ben oui, je n’étais qu’un petit garçon, mais j’espérais que j’avais fait le bon choix. A 12 ans on ne devrait pas avoir à choisie le futur de sa vie. On devrait être guidé par ses parents. Ils devraient être là pour vous donner des conseils, vous aidez à surmonter les problèmes de la vie. Mais dans mon cas, rien de cela.
Je ne pouvais pas compter sur les adultes de ma famille. Eux même, n’arrivaient plus résister à leur propre désespoir. Et moi, pour me sortir de cette situation, pour me guider, il ne me restait que l’instinct de mes propres espérances…

Je remarquais que ce jour là, mon destin avait la couleur du temps : il était bleu comme le ciel et la mer. C’est sur, que ce nouveau paysage, me semblait bien plus beau que tout ce que j’avais vu jusqu’ici. En m’éloignant des côtes de ma Bretagne pourtant adoré, j’étais décidé à tout faire pour cela dure. Par contre, éblouie par mon esprit d’aventure, je ne me suis pas rendu compte que je ne verrai plus jamais ma famille. Que mon futur, allait être bousculé pour toujours. Je ne savais pas encore, que la gentillesse que je possédais dans mon enfance, allait en grandissant, disparaitre en moi. On ne devrait jamais avoir à grandir. Grandir ? C’est être obligé de choisir tout le temps entre ce qui est bien et ce qui est mal. C’est être obligé de choisir tout le temps entre le bien et le mal.

Le Garçon va se rassoir. Un vieil homme se lève et prend la parole. Il est blanc et ressemble au petit garçon (Eliaz).

L’adulte (vieil homme)
Tout cela était vrai, grandir, c’est comprendre à la fin de sa vie, ce que signifie le mot “désamour ”

Je me souviens qu’en franchissant le cap que la naïveté procure pendant l’enfance, les désillusions, commencèrent à arriver petit à petit.

Le narrateur intervient (Eh Kri) le public (Eh Kra) L’adulte (Reprend)
Je mettais juré de ne pas perdre mes rêves, mais au détour des îles que je rejoignais, une partie d’entre eux, disparaissaient peu à peu. Ils avaient surement été trop utopiques pour être réalisable. Je ne découvris aucun trésor et aucun moyen de m’enrichir rapidement en observant honnêtement les principes assez stricts de la religion. Devenu au fil du temps aussi opportuniste que mes semblables, une possibilité de gagner beaucoup d’argent se présenta enfin à moi. Sans aucune hésitation, je décidais de ne pas la rater…

Des riches armateurs me proposèrent de devenir le capitaine d’un de leur plus grand vaisseau. Ils officiaient dans le commerce le plus lucratif et le plus rentable du moment. Sans états d’âmes, ils s’enrichissaient dans un domaine qu’ils nommaient « tropicales, bois d’ébène, où, or d’ébène ». En fait, c’était un négoce d’humains, profondément inhumains. Il concernait le trafic très répandu de la traite des noirs.
Après la controverse de Valladolid en 1551, l’église elle même avait approuvé la traite… Elle avait décrétée que les nègres pouvaient être mis en esclavage, car ils n’avaient pas d’âmes. Par contre les indiens eux ne pouvaient pas l’être, car ils seraient potentiellement les descendants de la 13ème tribus d’Israël. Celle dont parlait la bible et qui s’était perdu au cours de l’exode…

Le narrateur (Eh Kri) L’adulte (Reprend)
N’ayant plus rien à perdre et surtout beaucoup à gagner, j’acceptai leur proposition.

Mes scrupules étaient déjà enfouis depuis longtemps dans le fond de mon enfance, et seul l’argent avait de la valeur à mes yeux. A bord de leur navire, je voyageai de la France à l’Afrique, de l’Afrique aux Amériques et de là, de nouveau en France. J’avais toujours les cales pleines de denrées humaines, végétales ou minérales.

A défaut de la découverte d’un trésor, la traite, fût le seul moyen que j’avais trouvé de faire fortune… Après cette activité plus que lucrative, avec une cinquantaine d’esclaves que j’avais acquis, je m‘installai comme propriétaire terrien, dans l‘île Française de la Guadeloupe.

Les mariages interraciaux étant interdits, je restais quelques temps, aux yeux de la loi et de l’église célibataire, mais pas seul pour autant.
Et oui mes amis, je l‘avoue volontiers. Depuis mes seize ans, j’étais très porté sur la chose et je ne me privais jamais du plaisir que donnait, quelque soit sa couleur, une peau douce et un corps chaud. J’aimais particulièrement celui des négresses bien noire qui avait la douceur du satin. Eh oui, inconsciemment, j’avais quand même conscience que je me comportais avec mes esclaves, comme j’avais vu faire dans mon enfance, les propriétaires terriens ou les châtelains que je détestais alors.

J’avais les mêmes agissements qu’eux, envers les hommes et les femmes attachées à ma servitude. Pour ne pas y penser, j’avais effacé de ma mémoire, comme par miracle, les mauvais souvenirs que j’avais connus en France. Dans mon amnésie, j’étais aidé. Je savais que l’église était de mon côté. Elle avait aussi soulignée que les nègres, hommes et femmes, étaient dénués de conscience. Pour ce qui était des femmes de ma couleur, elles n’avaient qu’une demi âme ainsi qu’une demi conscience. Cela m’aidait à dormir du sommeil du juste sans me sentir coupable de rien, quand je goûtais au plaisir du sexe.
Le public (Eh Kra) L’adulte (reprend)
Comme tout propriétaire respectable, je me devais d’avoir un vrai héritier qui aurait le droit de porter mon nom la tête haute.
Il était hors de question qu’une bande de petits négrillons, quelques soient la clarté de leur peau, portent le nom de mes ancêtres. Le code noir, était mon livre de chevet, et il l’interdisait. Les nègres n’avaient droit qu’à deux choses un prénom à leur naissance et l’enseignement de la bible et du nouveau testament. Par la suite, ils pouvaient être baptisés et ainsi à leur mort être considérés à leur arrivés au paradis, comme des fils maudits revenus dans le giron de Dieu. Dans mon domaine, ils n’avaient qu’une seule légitimité, celle de m‘appartenir en bien meuble comme mes cabris ou mes chevaux. Il m’arrivait même tout comme un roi de donner mes ordres à la troisième personne…

Par la suite, j’épousais sans amour une Girondine de 22 ans. Elle venait de débarquée de métropole et elle s’appelait Delphine Balestrier.
Elle m’avait été recommandée par une de mes relations d’affaires qui habitait à Bordeaux. C’était la deuxième plus grande ville négrière après Nantes et j’y avais des intérêts conséquents. Comme une mère maquerelle digne de se nom, il avait tout arrangé. Elle n’était pas d’une très grande beauté, mais elle possédait les charmes d’une femme simple, et docile. Elle avait été bien dressée aux devoirs qu’incombent les liens du mariage… Jusqu’à ça mort, je n’eu jamais à me plaindre d’elle. Elle était très pieuse et surtout très accommodante dans son attitude envers moi. Vous comprenez. Pour elle, l’union entre deux êtres, était uniquement un acte d’obéissance envers Dieu et par extension à lui, son mari.

Education oblige, même par cette chaleur tropicale, pour dormir, mon épouse ne pouvait s’empêcher de porter une chemise de nuit cotonneuse, qui était vraiment trop épaisse dans ce pays pour être hospitalière. Nous faisions l’amour dans le noir complet et elle refusait même dans ses moments là, d’enlever entièrement sa cuirasse pour que je puisse apprécier le contour de ses formes, les jours de pleine lune.

Je n’ai jamais su, si pour elle, le plaisir était au rendez-vous. D’après ce que je sais, on lui avait appris que c’était un pêcher et donc, elle ne montrait rien de son ressentit. Tout en prenant ça comme une corvée, elle ne disait jamais non à mes rares estocades conjugales. Le refus ou la demande, n’était pas dans sa culture, et moi en tant qu’homme, j’en profitais pour en faire le moins possible avec elle. Dans son esprit, l’acte sexuel n’avait d’autre fonction que celui de la procréation. La pauvre, se rendit très vite compte des rapports particuliers qui existaient entre les maîtres et leurs esclaves.
Comme elle avait bon fond, elle accepta la situation sans me faire de reproche mal venu. Nous vivions tous les deux dans un monde de non-dit et c’était très bien comme ça…

Le narrateur (Eh Kri) Le vieil homme (reprend)
Elle allait régulièrement à l’église pour se confesser de je ne sais quels péchés, ou mauvaises pensées dont j’ignorait totalement les teneurs. Qui sait… Peut-être que de voir tout ses nègres à moitié dévêtus engendrais en elle, des désirs inavoués ? Je pense plutôt qu’elle devait en profiter pour prier pour la rédemption de mon âme. Prier, pour que les désirs charnels que je concrétisais régulièrement, avec mes esclaves, me soient pardonnés.

Je vais vous dire sans hypocrisie, que cela m’arrangeait. Je ne me confessais jamais au curé. Prier pour me repentir de la proximité que j’entretenais avec mes belles esclaves, ne m’intéressait pas. Je n’avais jamais été une grenouille de bénitier et ce n’est pas en vieillissant que cela allait changer. Histoire d’entretenir mes relations sociales avec les autres propriétaires de l’île, je n’allais à la messe uniquement qu’un dimanche par mois pour faire acte de courtoisie.

Le public (Eh Kra) Le vieil homme (Reprend)
Les ti punchs avec du bois bandé macéré, m’aidèrent à agir envers elle avec constance, jusqu’à l’obtention de l’héritier officiel que la bienséance nous obligeait à avoir.

La découverte du nouveau monde, m’avait noyé sans tabou dans les bras de la négritude. Comprenez-moi, quand j’étais plus jeune, aucune hypocrisie ne pouvait me dicter mes actes, et que la couleur pâlichonne de ma femme ne m’inspirait vraiment pas grand-chose d’érotique.

Le narrateur (Eh Kri) Le vieil homme (reprend)
Nous eûmes deux filles pour qui je montrais peu d’intérêt. Par la suite, laborieusement après plus de dix ans de noces, un male enfin arriva. Ce devoir accompli, je délaissai définitivement ma femme devant Dieu et devant les hommes. Je la laissais s’épanouir et accomplir avec zèle, ses devoirs de mère et de maîtresse de maison. Dorénavant, je pouvais vivre en toute liberté toutes mes envies. Je ne me sentais plus obligé de me forcer à honorer un lit qui n’avait plus aucun intérêt pour moi.

Le public (Eh Kra) Le vieil homme (Reprend)
Quand la nuit tombait, comme je le faisais depuis un certain temps, je rejoignais la case de la belle négresse qui était chère à mon cœur. J’étais fou d’amour pour elle. Je l’avais baptisé Irène. Cela voulait tout dire…
J’avais fait son acquisition quand elle était encore adolescente et je ne regrettais pas mon achat. Après avoir eu le statut d’esclave, elle était devenue la reine de mes nuits. Le confort de la case que je lui avais aménagée, était certes spartiate par rapport à la maison de ma femme, mais il suffisait largement à nos ébats enflammés…

Il faut comprendre que pour le qu’en-dira-t-on, je ne pouvais pas lui construire une maison identique à celle de ma légitime. En 1690, cela ne se faisait pas. Il fallait faire preuve de convenance et respecter les usages. Mais, même si devant Dieu et la société, il était écrit qu’une esclave ne pouvait pas avoir le même statut que la femme de son maître, je lui octroyais des petits avantages que je cachais au fond de mon coeur. Secrètement, j’avais rédigé un testament qui stipulait qu’à ma mort, elle serait libre et que tous les enfants que nous aurions ensemble seraient libres eux aussi. Que tous, ils disposeraient d’une petite somme d’argent pour débuter dans leur nouvelle vie d’hommes et de femmes libres. Pour le reste, je laissais le soin à leur mère de s’occuper d’eux avec toutes les contraintes qui s’y attachaient…

Humm, il faut dire que cette jeune femme à la couleur d’épice, avait un mélange d’odeur de cannelle et d’huile de coco irrésistible pour un gourmet de l’amour comme je l’étais. Elle avait l’entre cuisse aussi douce que le duvet d’un poussin.

Même si j’étais plus âgé qu’elle, elle était celle pour qui tout mes sens s’emballaient quand je la retrouvais le soir. C’était ma cure de jouvence. Dans notre relation, elle me donnait un sentiment d’éternité et j’aimais éprouver cela. Comme le marquis du Bally. Je lui disais parfois : Avec toi, je suis comme le poireau. J’ai le haut blanc, mais la queue toujours verte. Feignant de ne pas comprendre, elle me regardait en souriant. Elle n’avait jamais vu de poireaux, mais elle se doutait de la forme qu’ils pouvaient avoir.

Le narrateur (Eh Kri) Le vieil homme (reprend)
Elle exhibait sans pudeur ses formes, et par sa sensualité, elle réveillait toute l’animalité qui était en moi… Ah, mon Dieu, imaginez-les quand elles se dessinaient devant mes yeux malicieux à la lueur des bougies.
Quand elle était assise sur moi, j’aimais voir ses seins en forme de poires, me défiant dans la pénombre. Ils avaient l’arrogance de pointer vers le plafond de tôle de notre case en ombre chinoise. Cela leur donnait un format démesuré, qui n’était pas pour me déplaire. J’aimais après nos ébats, sentir les effluves vanillés des perles de sueurs qui suintaient sur les pores de sa peau. En fait, j’aimais tout en elle.
En me donnant autant d’amour, il était impossible à mes yeux qu’elle ne soit pas, à part entière, tout comme moi une créature de Dieu. Sur cette terre lointaine, elle contribuait à me faire découvrir un vrai paradis et mon cœur était remplir du bonheur d’elle.

Le public (Eh Kra) Le vieil homme (Reprend)
Elle n’avait pas peur de me montrer les sentiments qu’elle me portait. Elle était audacieuse comme une lionne qui sait ce qu’elle veut obtenir de son male… Elle me le montrait sans pudeur, et elle me les prouvait par ses actes et le dévouement inconditionnel quel portait à ma personne. Elle était sincère. Elle agissait sans calcul, car elle ignorait tout du testament que j’avais rédigé en secret en sa faveur.

Le narrateur (Eh Kri) Le vieil homme (reprend)
Maintenant que je suis au crépuscule de ma vie, une certaine mélancolie qui a peut-être pour synonyme le syndrome du remord, commence à m’envahir. Parfois. Je me demande si mes ambitions, n’ont pas occulté une partie non négligeable de ma sensibilité… S’ils n’ont pas détruit depuis longtemps, la part d’humanité que j’avais en moi.

Quand ses doutes m’assaillent, dans ses moments de réflexion, j’ose espérer, ne pas avoir fait trop de mal autour de moi. Que Dieu s’il existe, le moment venu, ne m’en voudra pas trop quand je me retrouverais en face de lui… Obnubilé par mon désir de richesse, j’avais perdu très vite, le sens familial et filial que mes parents m’avaient transmis en héritage. Une forme d’égoïsme et d’égocentrisme avait remplacé tout ça, faisant tout compte fait au crépuscule de sa vie, de moi, un homme seul…

Le public (Eh Kra) Le narrateur (Reprend)
Au fil de mon existence, j’ai eu des enfants qui ont reçu très peu d’affection de ma part. Même si, je devais, je le suppose, les aimés un peu, qu’ils soient légitimes ou non, quelques soient leur couleur, je les ai tous négligés. Ma mauvaise conscience sur la hiérarchie des femmes que j’ais plus ou moins aimées, me dictait de ne pas leur montrer mes sentiments… Mes enfants ont été les victimes de mes agissements et c’est pour ça que je ne leur en veux pas. Ils sont le résultat du monde que je leur ai offert.

Le narrateur (Eh Kri) Le vieil homme (reprend)
Alors que je ne l’étais pas, je passais souvent aux yeux d’autrui comme un être froid et insensible… J’agissais comme un maître en son royaume. J’avais tous les pouvoirs et comme un être gâté, nul ne pouvait me contredire ou me contrarier. Je suis conscient qu’il est trop tard, mais j’ai des profonds regrets pour l’attitude que j’ai eu parfois envers les plus faibles.
Avec une progéniture aussi vaste, je ne pense pas avoir été à la hauteur d’un patriarche digne de ce nom. Je me rends compte que maintenant, dans leur futur, il sera difficile pour eux de transmettre une force et un amour, qu’ils ont à peine reçu.

Mes parents étaient simples, gentils, mais au font de moi, quelque part, j’ai du les mépriser. Je les considérais comme des être faibles à en oublier leurs principes d’éducation. Je ne voulais pas être comme eux et j’ai tout fait pour ne pas leur ressembler. Je l’avoue, j’ai eu tord. Au crépuscule de ma vie, en regardant de loin, grandir les enfants de mes enfants, j’imagine que leur descendance, aura peut-être, tout comme moi, la tête pleine de rêves. Qu’ils les réaliseront sans ce compromettre. Qu’ils garderont toute leur vie une part de la compassion innée que chacun reçoit à sa naissance. Qu’ils auront le même désir de liberté pour lequel je me suis battu adolescent, et qui sait ? J’espère qu’ils vivront en paix avec eux même au crépuscule de leur vie. Que si leur pays de naissance ou si leurs conditions de vie ne les rendent pas heureux, qu’ils aient le courage de partir au loin sans regrets… J’espère aussi qu’ils feront moins de compromis avec l’argent que je n’en ai fait. Qu’ils auront plus de choix honorable que je n’en ai eu.

Qu’ils n’appliqueront pas comme je l’ai fait, par atavisme, des lois que je désapprouvais. Des codes que j’acceptais parce qu’ils arrangeaient mes affaires et surtout mon bon plaisir. Bien sur, ceux-ci m’ont permis de mener avec concupiscence une vie agréable. Mais le fait d’avoir tiré profit de mes propres enfants bâtards et d’autres humains que j’ai contribué à opprimer, me remplis maintenant d’un chagrin inconnu jusqu’alors. Dans ma mémoire, le fil de ma vie se déroule et j’en conclu que cela s’appelle « le remord »

Le vieil homme quitte le devant de la scène et va se rassoir.
Le Narrateur revient au milieu de la scène

Le public (Eh Kra) Le narrateur (reprend)
A la mort du vieil homme, comme le stipulait la loi, seul son fils blanc héritera de la plus part de ses biens. Ses deux filles n’auront d’autres choix que de se marier avec des bons partis qui avaient été choisis à l’avance. Ses descendants métis se retrouvèrent libres et commencèrent une nouvelle vie. Pour les descendants d’esclaves, ils n’auront un premier semblant de liberté qu’en 1794. Après la révolution Française de 1789, ils avaient cru être libre quand la charte des droits de l’homme avait été décrétée. Hélas pour eux, ce qu’il se dira plus tard dans l’histoire, c’est que Bonaparte devenu l’empereur Napoléon, pour faire plaisir à l’impératrice Joséphine, originaire de la Martinique, rétablira l’esclavage en 1802.
Le narrateur (Eh Kri) Le public (Eh Kra) Puis il reprend…
Après l’abolition définitive de 1848, on donna aux anciens esclaves avec leurs prénoms, des noms assez étranges. On les appela « Grava (heureusement qu’ils n’ont pas mis tas devant), Enclume, Marteau, Alamasse. (Ils ont osés par exemple avec, Clitoris). Imaginez ce nom avec des prénoms comme Innocent pour un garçon ou Hilary pour une fillle ?) Je continue avec Pasbeau, Pigeonneau, Arlequin, Bourriqui »
Par la suite, alors un bon nombre de leurs descendants combattirent les Allemands dès 1914. L’un d’entre eux, Camille Mortenol, né en 1859, fut chargé en 1915, en temps que directeur de la défense aérienne, de protéger Paris contre l’aviation Allemande.

Il fit superbement sa tâche, puisqu’aucune bombe ou mortier n’atteignis la capitale jusqu’à la fin de la guerre en 1918. Mes ancêtres pourtant, ne seront reconnus Français à part entière, qu’en 1946…

(Les tambours Gwo Ka joue)Le Narrateur (Eh Kri)
Un proverbe Africain dit « Pour qu’un enfant grandisse, il faut tout un village. » Le public (Eh Kra) Une petite fille noire entre 8 et 9 ans (Fatou) se lève et va au milieu de la scène.

Fatou (Jeune)
(Oui, c’est vrai, pour qu’un enfant grandisse, il faut tout un village)
Je me souviens que j’avais 8 ou 9 ans quand le malheur est arrivé dans mon village. Je ne savais pas exactement mon âge. 1, 2, 3. Je savais pas compter jusqu’à 5 sur mes doigts. Donc, c’était normal que j’avais pas appris à lire le mouvement des étoiles dans le ciel. Je savais seulement que quand on savait ça, on pouvait deviner l’année de sa naissance.

Je m’appelle Fatou… Même si je suis toute petite, je suis quand même Fatou la grande… Fatou la téméraire… Je suis née dans un pays qu’on appelle le Sénégal. Il fait partie d’un grand, d’un très grand continent. Je ne sais pas ce que c’est qu’un continent, mais on m’a dit, que c’est une très grande terre dont on ne connait pas la fin. Vous savez-vous, si c’est vrai ???

Le narrateur
Fatou, un continent regroupe beaucoup de grands et de petits pays. Il y en a cinq. Ils sont séparés, parfois par des océans, des montagnes, des frontières, mais le plus souvent par l’incompréhension des hommes entre eux…

Fatou
Ah oui, ben, même si mon village est perdu dans la brousse, pour moi, il est important. Il est le plus beau et c’est normal, c’est là où je suis né.
Quand arrive la saison des pluies, j’aime courir en riant sous les gouttelettes, pleins, pleins, qui tombent sur moi et sur le sol…

Après, j’aime regarder les libellules virevoltées qui se confondent dans les rayons du soleil. Elles donnent l’impression de vouloir devenir avec leurs ailes transparentes, des petits bouts d’arcs en ciel. Vrumm, vrummm, font dans les airs, les colibris que personne n’arrive à attraper…
J’aime jouer avec mes amis à touche, touche. On se courre après et je te touche. Après je pars en courant à toute vitesse pour qu’on ne me touche pas à mon tour. Je suis imbattable à ce jeu.

Dans ma famille, je suis une petite fille sage et obéissante. J’adore aider ma maman à piler le manioc et à faire la cuisine. Pour moi, ce n’est pas un travail, ce n’est que du bonheur. Hummmm, j’aime lécher mes doigts quand ils sont couverts de nourriture. Dans mon village, je suis heureuse. Je me sens en sécurité. Je grandis sans savoir ce qu’est la peur des inconnus. C’est normal, tout le monde me connaît ici, et ici je connais tout le monde.

La petite fille va se rassoir et jouer avec sa poupée de chiffon. Une jeune femme se lève, elle lui ressemble et elle a environ 25 ans (fatou plus âgé)

(Fatou grande)
Malgré l’éloignement et l’isolement de mon village, nous avions été attaqués de nuit par des hommes qui se faisaient appeler les seigneurs de la côte.

Le narrateur (Eh Kri) Fatou grande (reprend)
Ils étaient aussi noirs que moi, mais dans leur groupe, je découvris un homme qui possédait une couleur de peau qui était à mes yeux de petite fille contre nature. On aurait dit, comme parfois chez certains animaux, que sa couleur avait été effacée. Elle était blanche par endroits et son visage était aussi rouge qu’une viande qu’on commençait a grillée. Cet homme m’avait l’air de quelqu’un de malade car toutes les veines qui dépassaient de ses vêtements étaient bleues et paraissaient prêtes à exploser.

Le public (Eh Kra) Fatou grande (reprend)
Après une razzia pleine de bruit et de fureur où des dizaines de coups de tonnerre avaient retenti, je me retrouvai seule séparée de ma famille. Quand se vacarme se termina, je ne sus jamais si certains d’entre eux étaient morts ou si certains d’entre eux avaient réussis à s’enfuir. Dans cette ambiance de violence et d’apocalypse, des milliers de larmes de sang coulèrent de moi et des survivants blessés qui gémissaient à mes côtés.

Le narrateur (Eh Kri) Fatou grande (reprend)
Quand tous les sanglots de mon corps, tel un petit torrent asséché par un soleil cruel, s’arrêtèrent de couler, on me regroupa avec les autres survivants. On Me mit un collier en fer autour du cou et, on nous attacha les uns aux autres. Nous passâmes ainsi la nuit jusqu’à l’aube, à attendre le bon vouloir de nos bourreaux.

Le public (Eh Kra) Fatou grande (reprend)
Au petit matin, ce qui me frappa le plus, ce fut le silence assourdissant qui se dégageait de mon village. La faune s’était figée et les oiseaux qui d’habitude chantaient ou bruissaient à tue-tête, s’étaient arrêtés. Comme par enchantement, ils avaient disparu pour laisser leurs places aux vilains vautours. Tels des charognards, avant de se régaler, ceux-ci guettaient les stigmates de la mort qui étaient omniprésentes.

Alors que nous étions encore vivants, on aurait dit qu’une cape noire colorée de désespoir s’était déposée sur les épaules de mère nature. En si peu de temps, j’avais vu tant de violence autour de moi, que je ne ressentais plus rien. J’étais comme tétanisé. Je ne comprenais plus rien et il n’y avait plus personne pour me réconforter… L’amour et ses preuves avaient tout d’un coup disparus. Maintenant, au milieu de tous ces gens à l’aspect bizarre, je me demandais ce que je devais faire pour retrouver, le monde où hier encore, j’étais une petite fille insouciante et heureuse.

Je me souviens qu’on nous compta avant de prendre des sentiers et des pistes qui nous emmenaient vers l’inconnu. Les grands étaient enchaînés et les enfants étaient mis au milieu d’eux pour ne pas qu’ils nous perdent en route. Enfin, après des jours et des lunes, nous arrivâmes dans une grande ville au bord de l’eau, qu’ils appelaient Dakar.

Avec des pirogues, on nous emmena dans une île située en face d’elle qui s’appelait Gorée. On nous mis par la suite comme des bêtes dans des espèces de ménageries qui ressemblaient à des prisons. Et la, on était encore plus entassés que les chèvres que mes parents élevaient et qu’ils rentraient la nuit dans leur enclos. Nous attendîmes la peur au ventre, de voir ce que ces méchants hommes réservaient à notre devenir. Trop petite pour comprendre tout ce qu’il se passait autour de moi, j’avais seulement remarqué que maintenant, nous avions à faire à beaucoup plus d’hommes qui n’avaient pas de couleur.

Le narrateur (Eh Kri) Fatou grande (reprend)
Ensuite, on nous embarqua dans un immense bateau. A l’intérieur, il n’y avait plus qu’eux, qui régnaient et nous commandaient.
Je voguais sur les flots en laissant couler le peu de larmes qui restaient encore dans les yeux de l’enfant que j’étais encore. Après ces événements, je n’arrivais plus à penser à mes parents et au paradis perdu. Pendant cette traversée, je fus très malade et le capitaine me confia à l’un de ses jeunes seconds pour s’occuper de moi. Même si j’avais peur de cet étrange étranger, la maladie m’obligea à lui faire confiance. C’était la première fois depuis tous mes malheurs, que dans les yeux de quelqu’un, je voyais un peu de douceur et de tendresse.

Le public (Eh Kra) Fatou grande (reprend)
Au cours de ce voyage, il me soigna et s’occupa de moi tous les jours. Manifestement, le monsieur s’attacha à moi. Après ma guérison, quand nous arrivâmes dans une île que je ne connaissais pas, il décida de m’acheter. Il négocia avec son capitaine le prix de la marchandise que j’étais devenu, et quand ils tombèrent d’accord, je devins sa propriété. Il aimait bien ce pays, mais il n’avait pas encore de point d’attache sur celui-ci. Il me fit baptisé, et changea mon nom.

Désormais, je ne m’appelais plus plus Fatou la grande, mais Félicité… Et quand il fut obligé de repartir, il me confia à un couple de ses amis. Il leur stipula bien, qu’en aucun cas, je ne devais travailler dans les champs de cannes ou faire des travaux pénibles. Que je devrais être instruite et apprendre à servir comme une domestique de maison. Me montrer comment entretenir à la perfection une maison de maître. Je grandis ainsi en ayant des petits avantages qui embellirent peu à peu mon quotidien.

Quand mon maître revenait à la Guadeloupe, il s’occupait bien de moi et veillait à ce que je ne manque de rien. Tout en me parlant de ses voyages, il m’offrait des choses simples, qui faisaient briller un chapelet d’étoiles dans les yeux de la petite négresses que j’étais.

Il était plus âgé que moi de 18 ans environs ou plus, mais en grandissant, je sentais que je l’intimidais. A environ 13 ans, je savais que d’un sourire de ma part, je pouvais tout obtenir de lui. Quand enfin, il eut à peu près 34 ans et assez d’argent, il décida de ne plus voyager et d’acquérir une propriété dans ce pays où il aimait revenir régulièrement. Pour la rentabiliser, il acheta d’autres esclaves et pour son confort, il fit construire une grande bâtisse de style coloniale. Elle avait deux étages, qui était prolongée au rez-de-chaussée par une grande véranda qui permettait de prendre un peu de fraicheur quand le soleil était à son zénith.

J’avais grandit, je voulais m’occuper de tout et gérer totalement le bien-être de mon maître. Il m’expliqua que c’était malheureusement impossible.
Que, même s’il avait aménagé sous les toits une grande chambre pour moi, il fallait qu’il respecte le code noir écrit par Colbert et que son roi, avait paraphé de sa main. Il m’expliqua, que la seule personne qui pouvait régir entièrement sa maison et manger avec lui à sa table, ne pouvait n’être que sa femme. Que le moment venu, le jour où il en choisirait une, elle ne pourrait qu’être blanche. J’était jalouse, mais j’’acceptai à contre cœur, ses mots qui me faisaient du mal. Je comprenais que si rien ne changeait, cela signifiait, que je ne dormirais jamais avec lui. J’avais peur de rester toute ma vie, seule au monde.

Le narrateur (Eh Kri) Félicité (reprend)
Jeune femme, je me demandais ce que mon maître attendait pour se comporter avec moi comme un homme. « Tchip » Il n’était toujours pas marié et n’avait aucune négresse à ma connaissance qui venait le rejoindre la nuit dans son lit. Son cœur était libre, et je savais depuis toujours que je ne lui étais pas indifférente. Je ne comprenais pas la raison qui le poussait à prendre autant de temps pour me parler comme le ferait un homme qui désire une femme. Les hommes sont parfois tellement empotés que si nous les femmes nous ne faisions pas le premier pas, il ne se passerait jamais rien. Un soir, pour un prétexte futile, je décidai de prendre les devants. Je l’invitais à venir dans ma chambre en prétextant que j’avais peur des mabouillas qui marchaient le long des murs. Mabouilla, c’était le nom que l’on donnait chez nous aux lézards. Je voulais rompre cette monotonie qui consistait à le servir à table, en l’observant manger, puis débarrasser la table, faire la vaisselle, lui souhaité une bonne nuit et le laissé seul.

Le narrateur (Eh Kri) Félicité (reprend) Dans ma chambre, je pris toutes les initiatives qu’une jeune femme qui ne savait rien en amour, pouvait imaginée. Et le lendemain, au chant du coq, il était devenu mon amant, mon roi. Et moi une vraie femme. A défaut de courir après un paradis à jamais perdu, j’avais réussi à en créer un nouveau. Et même s’il n’était pas parfait, il me remplissait de bonheur d’être vivante. Maintenant, je pouvais définitivement tourner la page. J’avais conscience que je ne pourrais plus vivre éternellement dans la douleur du passé.

Le public (Eh Kra) Félicité (reprend)
Je me souviens que lorsqu’il m’annonça que le temps était venu pour lui de fonder une vraie famille, mon cœur ressentit de la tristesse. Elle me rappela un peu celle que j’avais déjà éprouvée dans mon enfance et qui restait dans un petit coin de ma mémoire enfantine. Une tristesse qui quand elle revenait, s’accompagnait d’un profond sentiment d’abandon. Une mélancolie cafardeuse me gagna alors, et seul le silence des larmes qui coulaient sur mes joues répondit à ce nouvel état d’esprit.
Tendrement il me prit dans ses bras et les séchas en les léchant comme l’aurait fait un chaton. Il me rassura en m’affirmant que rien ne changerait et que je resterais toujours celle qui aurait toute la primeur de ses pensées et de son coeur. Cette contrainte était trop lourde à supporter pour moi, et je priais mon maître de me construire une petite case qui serait vraiment à moi.

Le narrateur (Eh Kri) Félicité (reprend)
Nous eûmes des enfants ensemble, mais jamais, ils ne se mélangèrent avec ceux de celle que j’appelais secrètement l’étrangère.

Même si je n’étais pas agressive envers elle, tous les jours une certaine rancœur taraudait mes entrailles quand je servais leur repas à table.
Ce sentiment durera jusqu’à sa mort, sans que jamais, elle ne s’en rende compte. Mon maître mourut peut de temps après et son héritier par vengeance, vendit presque la totalité de mes enfants métis à d’autres plantations de l’île. Seule une de mes filles et ses enfants restèrent près de moi et m’assistèrent jusqu’à ma propre mort.
Le public (Eh Kra) Musique de fond pendant que la jeune femme (Fatou) quitte le devant de la scène et va s’asseoir. Le Narrateur revient au milieu de la scène, suivit par une jeune femme blanche.
Le Narrateur
Dans les temps anciens un proverbe Breton dit : C’hoant Doue ha c’hoant den a so daou ) Désir de Dieu et désir de l’Homme sont deux.

La jeune femme (entre 24 et 28 ans) Adénor
Désir de Dieu et désir de l’homme sont deux… Pour moi ce proverbe avait un sens. Je trouvais qu’il m’allait comme un gant…

Je me souviens que j’étais une jeune fille, dont on disait depuis l’enfance qu’elle avais un regard enjoué et plein de malice. Je n’étais pas que cela, j’étais aussi une petite fille espiègle et je le revendiquais en faisant plein de bêtises. J’avais un caractère bien trempé, et j’étais têtue comme une vraie Bretonne sait l’être. Même si je ne savais pas toujours ce que je voulais, je savais toujours ce que je ne voulais pas.

Le narrateur (Eh Kri) Adénor (reprend)
Je m’appelais Adénor de Kermadec. Dès l’enfance, j’avais très vite compris le sens du mot « non ». Toute petite on me surnommait Adé !!! Non, car rien ne me plaisait plus, que de dire non, non et non pour un rien.
Après cette entrée en matière, j’adorais choquer mon entourage en faisant le contraire de ce qu’il attendait de moi. Les coutumes de la noblesse me faisaient rire ou au pire, fatiguaient mon esprit d’indépendance.

Le public (Eh Kra) Adénor (reprend)
En l’an de grâce 1718, ayant dépassé l’âge de 16 ans, je sortais du couvent où mes parents m’avaient placées depuis ma douzième année. Les pauvres, s’ils voulaient absolument que j’acquière une éducation parfaite, ils furent très vite déçus. Pendant ses quatre années, j’avais tellement énervé les soeurs et la mère supérieur, qu’elles avaient finit par me viré sans ménagement.

Je dirais même mieux, je m’étais fait évincé avec pertes et fracas de cette institution qui avait pour nom « Les Sœurs de la Fraternité des enfants de la vierge Marie. » Comme vous le voyez, c’était un vaste programme…

Je reconnais que c’était de ma faute. C’était le résultat du comportement que je cultivais depuis mon plus jeune âge. C’était une attitude qui consistait à ne jamais rater une occasion de semer le trouble chez les dévots de la religion. Pendant toutes ses années, elles m’avaient uniquement tolérée, pour l’argent que leur allouaient généreusement mes géniteurs.

Mon père voulait absolument que je connaisse le droit chemin qu’il n’arrivait pas à m’inculquer en personne. En bref que je sois comme ma mère, sans odeur, sans saveur et obéissante à une autorité christique au départ, et maritale à l’arrivé. Après mon retour dans la maison familiale, mes parents se mirent à fomenter derrière mon dos, un mariage dans les colonies. C’était la seule solution qu’ils avaient trouvé pour me faire entendre définitivement raison. Il pouvait ainsi faire d’une pierre deux coups. Se débarrasser de moi et en même temps vaincre ma constante rébellion. Ils espéraient ainsi que là où tout avait échoué, l’éloignement dans une terre inconnu me dompterait.

Ils voulaient effacer de ma mémoire les livres tendancieux que je lisais ouvertement devant eux et qui leur déplaisaient. Ceux de voltaire et de Montesquieu étaient mes préférés.

Eh c’est comme cela qu’un beau matin, je pris le chemin d’un exode non désiré, sans savoir ce qu’il me réservait. Ils m’avaient choisis un homme aussi riche qu’eux, mais petit inconvénient. Il n’avait que 37 ans de plus que moi. Quand toutes les formalités de ce mariage arrangé furent signées, on m’expédia comme un colis de luxe dans une île Française, dont je n’avais jamais entendu parlée jusqu’alors, et qui se nommait «  La Guadeloupe. »
Le narrateur (Eh Kri) Adénor (reprend)
Le jour de mon départ, je montais dans un grand trois mats sans avoir vraiment d’appréhension. Jusqu’ici, même Dieu et les représailles que me promettait la mère supérieur, ne m’avaient pas fait peur. Alors vous pensez, voyager jusque dans un pays où on m’avait dit que le soleil régnait en maître. Où les plages étaient magnifiques, ça ne pouvait pas être tout à fait une mauvaise chose. En plus, cela allait me changer du climat brumeux de ma Bretagne natale !!!

Et vous savez quoi ? Malgré toutes les prières qu’on m’avait fait réciter depuis mon enfance, je ne croyais pas, ni au paradis, ni à l’enfer.
Je n’avais jamais vu Dieu, et je n’avais jamais entendu ni sa voix, ni celle de la Vierge et encore moins celle du saint esprit. Je me disais souvent, que si ses entités existaient, elles n’avaient qu’à se manifester auprès de la bavarde que j’étais.
Mais rien, rien de rien, ce beau monde restait muet et tout les saints sensés leur tenir compagnie aussi… Alors ce n’était pas un petit voyage de rien du tout, qui allait changer mon état d’esprit. La reine de Saba, c’était moi. Et puis, presque 2 mois sur l’océan, c’était une broutille pour une aventurière qui avait ma trempe.

Le public (Eh Kra) Adénor (reprend)
Quand les côtes disparurent, je n’eus aucun regret. Je n’aimais pas mes parents, alors être loin d’eux ne me gênait pas plus que ça. J’étais optimiste et je me sentais assez forte pour faire face à toutes les adversités que me réserverait l’avenir. J’étais décidé à le prendre en main et rien ne pourrait m’en empêcher. Notre bateau voguait toutes voiles déployées, et pendant que je pensais à tout ça, il y avait quand même un léger problème.
Ma force de caractère n’avait pas prévu une chose primordiale. Le mal de mer… Quand les vagues cognaient sur notre bateau, mon avenir immédiat était de vomir tout ce que j’avais avalé et après, d’être aussi pâle qu’un linceul immaculé.

Le narrateur (Eh Kri) Adénor (reprend)
Quand mon bateau arriva enfin à pointe à Pitre, comme un vulgaire colis, monsieur mon mari vint me réceptionner sur le port. Avec très peu d’égard envers ma personne, il me ramena chez lui, sans échanger un seul mot pendant tout le trajet. J’eux donc à loisir, le temps de constater, que la prévenance n’était pas la qualité première de ce vieux bouc mal dégrossit. Malgré notre différence d’âge et les nombreuses maîtresses de couleurs différentes qu’il possédait, il mit un point d’honneur à prendre ma virginité le soir même de mon arrivé.

Il essaya de me chevaucher comme un animal en rut, mais deux choses le calmèrent très vite. Sa santé légèrement défaillante, et l’handicap de son grand âge. Les deux réunis, l’empêchèrent de faire de moi, une femme entièrement comblée. Cette nuit là, il n’arriva pas à me déflorer complètement et en fin de compte ne persévèrera pas dans cette démarche. Donner de l’affection ou du plaisir à une jeune femme, était des mots et des actes qui lui étaient surement étranger depuis fort longtemps. Il se servit de mon corps sans aucune élégance. Sans aucun romantisme et surtout sans scrupule. Quelle qu’en soit la manière, il voulait un fils blanc et pour lui, j’étais son dernier recours pour en obtenir un avant sa mort.

Par la suite, je suppose que sans doute, au vu de mon air moqueur, un léger soupçon de ridicule, le gagna et calma petit à petit ses ardeurs. Il persista pourtant mais le résultat était toujours le même.
J’étais prise sans désir, sans émotions, sans amour et sans tendresse, par un homme à la sexualité mollassonne. Apparemment, pour avoir un vrai héritier, comme il le désirait tant, c’était loin d’être gagné…

Le public (Eh Kra) Adénor (reprend)
Au fond, ce n’était pas grave. Depuis longtemps, je m’étais résignée à rencontrer ce genre de situation. Mes grandes cousines à peine plus âgées que moi et déjà mariées, m’avaient prévenue. Le tableau qu’elles m’avaient décrit d’une nuit de noce était donc en tout point conforme à leur dire.
Elles m’avaient conseillé deux choses pour supporter les obligations que mon nouvel état de femme marier préconisait. Premièrement de fermer les yeux et de penser à autre chose, pendant l’acte. Par exemple à la France et au drapeau. Deuxièmement de prendre très vite et de façon discrète un amant : Elles me répétaient tout le temps « Les maris sont fait pour le devoir conjugale et les amants sont fait pour le plaisir des sens. Alors, je me mis dans un premier temps à fermer les yeux et à penser au drapeau à fleur de lys.
Le narrateur (Eh Kri) Adénor (reprend)
Les jours passant, j’étais de moins en moins sollicitée par mon époux. Nous faisions chambre à part, et cela m’arrangeait. Avec cette chaleur, et la nuit qui tombait dès 18h, j’aimais dormir nu. Que cet époux soit présent ou non, je m’ennuyais ferme dans le patelin paumé où je me trouvais. Il n’y avait que des manguiers, des cocotiers, des bananiers, des champs de cannes à sucres et de nombreux enfants qui étaient noirs, métis ou quarterons. Lors d’une de mes promenades, parmi sa progéniture, je remarquais un jeune homme au teint très clair qu’on définissait comme étant un octavon. Il avait 22 ans, et très vite, je l’avoue, son visage et son corps parlèrent à mon imaginaire.
Le public (Eh Kra) Adénor (reprend)
Humm, la deuxième fois que je le vis, mon cœur ne sut plus ce que le mot raisonnable signifiait. Il ne battait plus aussi tranquillement, comme il le faisait à l’accoutumée. Ce coup de foudre s’appelait « Patience » et octavon voulait dire qu’il avait au maximum 1/8ème de négritude en lui. Cela ne l’empêchait pas d’être considéré comme un nègre et de rester un esclave. Je me fichais complètement de tout ça. Pour moi c’était un beau jeune homme qui en dépit de sa situation, donnait un sens aux phantasmes qu’ils réveillaient en moi la nuit.

Même dans les circonstances les plus hasardeuses que je vivais dans le lit conjugal avec son père, il arrivait aisément à me faire oublier la France… Et dans ce pays où les fleurs étaient de toutes beautés, la fleur de Lys se fanât très vite dans ma mémoire.

Le public (Eh Kra) Adénor (reprend)
J’appris que son prénom venait d’une situation qui mérite que je vous la raconte. Avant mon mariage avec son géniteur, sa mère, une jeune métisse qu’il avait acheté quand elle était adolescente, avait été jusqu’à la mort de celle-ci, son esclave préférée. Elle avait une couleur de peau assez claire et pour faire plaisir à son maître, elle voulait avoir des enfants de lui, les plus blancs possible. Pendant leur longue liaison, elle rêvait absolument de donner un fils à son maître. Mais, à chaque fois qu’elle tombait enceinte, elle accouchait d’une fille. Pour lui remonter le moral, les esclaves autour d’elle lui disait à la fin de chacun de ses accouchements : « patience, patience, tu verras, ça viendra, tu donneras un jour, un fils au maître ». Après 7 filles, elle commença sérieusement à perdre patience. Alors, quand pour la huitième fois elle se retrouva enceinte, elle décida que si ce miracle se produisait, elle l’appellerait Patience. Vu le temps qu’il avait mis à se manifester, à défaut de l’appeler Désiré, elle pensait que ce prénom lui irait comme un gant. Son maître n’étant pas marié, elle espérait qu’il l’affranchirait quand il serait adulte, et qui sait, qu’il deviendrait, pourquoi pas, son unique héritier.

Le narrateur (Eh Kri) Adénor (reprend)
Quand on le voyait, il faut dire que ce prénom lui allait très bien. Il restait toujours d’un calme olympien en toute circonstance. Il semblait observer sans à priori, les choses et les gens qui l’entourait. Ses rêveries étaient sans ostentation et d’une grande discrétion. Pour tout le monde, c’était un être assez mystérieux. Personne ne savait, de ce qu’il pensait vraiment, du vécu qu’il avait connu dès sa naissance. Comme d’un prince, il se dégageait une élégance naturelle qui lui procurait une certaine autorité auprès de ceux qui le côtoyaient.
Peut-être, est-ce pour cela, que quand pour la première fois nos regards se croisèrent, lui qui était né d’une esclave, il me fit comprendre qu’un jour, quelque soit le temps que cela prendrait, je devrais lui appartenir. Qu’un jour, ce serait lui mon maître et moi son esclave.

Le public (Eh Kra) Adénor (reprend)
Plus le temps passait et plus cette idée ne me déplaisait pas. Au bout d’un an de résidence forcée sur cette île, toutes les familles Blanches que mon mari m’avait présentées, étaient d’un intérêt qui frôlait le niveau zéro de ce que j’appréciais. IL était hors de question que je prenne un amant parmi des gens qui me semblaient baignés constamment dans la médiocrité.

A 18 ans, je désirais être la femme, la chose, l’amour, le plaisir, le désir, le dessert de Patience. Je me sentais aussi chaude que les petites esclaves qui chantaient l’amour le soir en revenant des champs de légumes ou de cannes. Je n’étais pas différente d’elles. J’étais aussi chaude qu’elles… J’étais une femme pleine de frustrations, mais aussi pleine d’envies.
Je ne pouvais pas les montrer, mais je comptais un jour ou l’autre les satisfaire sans retenu.

J’étais consciente que Patience risquait sa vie, si nous succombions à notre attirance réciproque. Tant que mon mari était vivant, nous devions prendre notre mal en patience. En effet, si un esclave se faisait prendre entrain de faire l’amour avec une Blanche, après avoir subi d’innommables sévices, comme l’ablation de son pénis, c’était la mort qui l’attendait… Et pour moi, il n’en était pas question. Je le voulais vivant, en entier, zizi y compris.

Seul les hommes blancs avaient le droit de coucher avec quelqu’un qui n’avait pas la même couleur qu’eux sans subir de représailles. Et moi, l’impétueuse Adenor, je dus donc, comme sa mère avant sa naissance, subir la signification du mot patience.

Le calvaire où mon mari me prenait comme ci, comme ça, avec de moins en moins d’ardeur, ne dura, heureusement pas si longtemps que ça. Par chance, au cours de ses copulations épisodiques, je ne tombais pas enceinte de cet odieux personnage. Après mures réflexions, je me mis à croire un peu en Dieu. Si ça se trouvait, il y était peut-être un peu pour quelque chose… Qui sait ??? Mais Dieu et la chance, sont-ils des amis intimes ???

Le narrateur (Eh Kri) Adénor (reprend)
Un matin de l’année de mes 2O ans, dans sa case privé, il ne se réveilla pas auprès de sa nouvelle négresse, et comme le définissait la loi, il me laissait, seule héritière de son domaine.
Dans cet héritage, il y avait ses biens meubles et Patience en faisait partie. Donc, après la mort de ce mari épisodique, par la grâce de l’église et du roi, je devins comme je l’avais toujours souhaité, l’ordonnatrice de mon destin. Après son enterrement, Et sans aucun remord, je mis illico son fils dans mon lit king size entouré de tulle transparente contre les moustiques.

Le public (Eh Kra) Adénor (reprend)
Nous aspirions tout les deux à la même chose, et il n’y avait maintenant aucune raison d’attendre plus longtemps. Nous n’avions que faire des convenances et les tabous ne nous effrayaient pas. Au début nous nous comportions comme des amants maudits qui pensaient que tout peut s’arrêter du jour au lendemain.

Nous avions des rendez-vous secret et nous les changions sans arrêt pour ne pas céder à la routine. Plus tard, ce fut de façon sereine, en n’ayant qu’indifférence pour les on dit et les ragots que nous nous livrions à nos ébats. Elles commençaient à ce propager dans l’île, mais sans tabou, nous continuions à nous aimer.

La désapprobation silencieuse de la classe blanche dirigeante, ne nous intéressait pas, au contraire, ça nous arrangeait. Nous savions qu’ils ne feraient rien, car ils ne voulaient pas de scandale sur cette petite île.

Patience se révéla être la lumière qui éclaira mes nuits. Il fut le deuxième et le dernier homme de ma vie. Nous eûmes deux enfants ensemble : un garçon et une fille. Il était aussi adorable que son père et elle était aussi farfelue que sa maman. Pour un œil, même averti, ils étaient de couleur blanche et avaient des cheveux châtains clairs comme les miens. Le pouvoir de l’argent étant sans limite, pour qu’ils aient une légitimité et un statut officiel, à chacun de mes accouchements, je soudoyais secrètement le curé et le préposé à l’état-civil. Complaisamment, ils modifiaient la date de leurs naissances et tout rentrait dans l’ordre. Mes enfants étaient inscris dans leurs registres bien avant le décès de feu mon mari. Avec ce subterfuge, je pouvais officiellement leur transmettre son nom en toute légalité. Ce n’était que justice puisque le fils de mon mari était leur père. Ainsi, ils n’étaient pas des bâtards. Ils pouvaient jouir des mêmes statues que moi et leur grand-père blanc. Le secret du sang des autres ancêtres qui coulaient dans leurs veines resterais bien caché aux autres de la communauté, tant que je serais vivante. Seul, eux connaîtront leurs origines profondes.

Après l’an de grâce 1744 se déroula une bataille sanglante entre les armadas françaises et anglaises. Nous les Français nous perdîmes, et les Anglais, vainqueurs, prirent possession de l’île.
Mon aimé se battit comme un lion pour me défendre et essayer de protéger nos biens, mais malheureusement il mourut sous les balles de ces maudits envahisseurs.

Le narrateur (Eh Kri) Adénor (reprend)
A 27 ans, je me retrouvais seule en ayant presque tout perdu. De mes yeux, pas une larme ne coula, car je ne n’avais pas le temps de m’apitoyer sur mon sort… Je ne pensais qu’à une seule chose, sauver mes deux jeunes enfants.

Le public (Eh Kra) Adénor (reprend)
Au cours de cette invasion, les esclaves restèrent indifférents aux événements qui se déroulaient autour d’eux.

Sans doute avec raison et par rancœur, ils ne firent rien pour aider leurs maîtres à se défendre contre l’envahisseur Anglais. Ils savaient que quelles que soient la nationalité de ceux qui allaient gagner cette bataille, rien ne changerait vraiment pour eux. Ils savaient qu’ils seraient toujours sous la main mise des Blancs, et que leurs statuts resteraient à coup sur le même quelques soient leurs origines. Alors, ils préféraient les laisser s’entretuer entre eux et compter les points. Avec un groupe formé d’environ trois cents réfugiés de la même condition que nous, nous partîmes nous cacher avec nos enfants dans la forêt très dense, qui entourait le volcan de la Soufrière. Nous avions pris la précaution d’emmener avec nous, toutes les richesses en or et autres pierres précieuses que nous possédions. Après deux journées interminables de marche, nous trouvâmes un endroit suffisamment isolé pour souffler un peu et essayer de faire partir de nos esprits, les images de la mort qui nous accompagnait. En chemin, nous avions pris la précaution d’effacer toutes traces qui auraient pu permettre à quiconque de nous retrouver. Nous savions que les nègres marron faisaient la même chose pour ne pas être retrouvé. Ils arrivaient ainsi à s’échapper et malgré les chiens qui étaient à leurs trousses, beaucoup n’étaient jamais repris. Nous construisîmes des maisons à l’ancienne, et nous recommençâmes une nouvelle vie qui s’avéra spartiate, mais loin de tous dangers.

Le narrateur (Eh Kri) Adénor (reprend)
Comme à mes yeux, personne ne pouvait remplacer mon Patience, j’élevais seul mes enfants. Je leur appris la tolérance, en leur disant que quoi qu’il arrive, c’était à eux de trouver le chemin qui pourrait plus tard, les conduire jusqu’au bonheur.
Je leur cachais cependant que ce serait dur et qu’il ne le trouverait peut-être jamais ou seulement l’espace d’un infime instant… Je leur promettais juste qu’il existait, et qu’il fallait tout faire pour le trouver… Que quand ce serait le cas, de le cultiver précieusement bien au chaud dans son cœur de peur qu’il ne se fane… Et surtout, de savoir le partager avec ses proches…

Le public (Eh Kra) La jeune femme quitte le devant de la scène et retrouve sa place pendant que le Narrateur revient au milieu.

Le Narrateur (reprend)
Adénor et les 300 personnes qui l’accompagnaient au début, puis les autres exilés qui les rejoignirent par la suite, restèrent cachés dans la forêt très dense de Basse Terre, et ne revinrent pas à la civilisation, préférant continué à vivre en autarcie. Et pendant plus de deux siècles, leurs descendants aussi.

Malgré le fait que les Français reprirent plus tard la Guadeloupe aux Espagnoles, qui l’avaient eux-mêmes pris aux mains des Anglais, ils ne changèrent rien à leur mode de vie. La révolution Française arriva peu de temps après. Comme ils étaient pour la plus part issus de l’aristocratie Bretonne, de peur d’être guillotiné, ils ne revinrent pas à la civilisation.

On les appela mystérieusement « Les blancs Matignons » pendant tout ce laps de temps, ils vécurent comme au 17ème siècle, d’agriculture, d’élevage et de pêche dans les petites rivières alentour. Comme visiteurs, ils n’acceptaient parmi eux, que des prêtres d’origines Bretonnes. Même s‘ils leur enseignaient aussi le Français, le Breton restait leur langue première. Ils ne se mariaient qu’entre eux, et à la fin, cela leur posa un sérieux problème de consanguinité, mais aussi de fertilité. Au bout du compte, ils étaient tous devenus plus où moins cousins germains.

C’est ainsi qu’à la fin du 19ièmesiècles, l’un d’entre eux décida de gagner la civilisation avec tous les biens qu’il avait en sa possession pour commencer une nouvelle vie. A 25 ans, après s’être installé et ouvert un magasin de vente et de réparation de vélo à Pointe à Pitre, il chercha une bonne à tout faire pour s’occuper de l’entretien de sa maison.

Le narrateur (Eh Kri)
Plusieurs jeunes femmes se présentèrent, mais l’une d’entre elle attira particulièrement son attention. Elle était la plus noire de celle qu’il avait vu, mais dès leurs premiers échanges verbaux, il se passa un vrai coup de foudre entre eux. Elle n’avait que 16 ans, mais elle était d’une grande intelligence et de sa nature se dégageait une grande bonté. Elle devint ce qui était rare, sa femme sa muse, sa collaboratrice, son tout devant Dieu et les lois de la république. Et surtout, la mère de ses enfants. Seule la fatalité séparera ce couple d’amoureux. Dans la cinquantaine, elle succomba de ce qui la définissait le mieux. On disait d’elle, qu’elle avait bon cœur et elle mourut d’un arrêt foudroyant de celui-ci pendant son sommeil.
Le public (Eh Kra) Le son des tambours est là. Il retentit et s’arrête.

Le Narrateur
Un proverbe Africain dit «  C’est dans sa jeunesse que ce prépare l’avenir d’un Homme. Un petit garçon noir (Azukilé) qui a entre 10 et 13 ans se lève et va au centre de la scène.

Le jeune garçon noir
Je me souviens qu’en ce temps là, nous étions dans l’année où une constellation d’étoiles avait dessiné un lion mangeur d’homme dans le ciel.
Selon les anciens du village, ce n’était pas un bon présage. Pour eux, le lion prédateur était revenu par la faute des hommes. En ne respectant pas les lois de l’univers et les lois de la terre où nous étions nés, nous avions provoqués son retour. Mais moi je n’avais pas peur de lui. J’étais déjà un fier guerrier et j’étais prêt à l’affronter pour le renvoyer dans les noirceurs de son âme.

Le narrateur (Eh Kri) Le garçon noir (reprend)
Je vais bientôt avoir10 ans et je m’appelle Azukilé. Ce qui signifiait « petit prince divin. » On m’a appelé ainsi dès ma naissance, car j’étais l’un des fils du chef de mon village. A mon âge, je m’entrainais à avoir un port de roi car plus tard, je devrais succéder à mon père. J’étais né libre et fier, dans un pays qu’on appelait « Dahomey » Le pays des hommes fort. Je suis mort depuis longtemps, mais mon esprit sait, qu’il a changé de nom et qu’il s’appelle maintenant « Le Bénin »
Le public (Eh Kra) Azukilé (reprend)
Maintenant mon fantôme est parmi vous comme au temps longtemps de mon enfance. Maintenant, je vais vous raconter mon histoire… Je suis maintenant assis le long du petit port de Cotonou, avec des longues chaînes qui relient mes poignets à mes chevilles.
Je regarde avec beaucoup d’anxiété une espèce de gros monstre qui est posé en face de moi sur une eau très bleu. Il possède des grandes voiles blanches avec un étrange symbole dessiné dessus qui claque au vent en faisant un bruit de mauvais présage. J’appris plus tard que c’était une croix et qu’elle représentait le fils d’un Dieu crucifié, qui était venu sur terre pour racheter les péchés des hommes.

Je n’avais aucune idée de ce que ce mot voulait dire. J’ignorais ce qu’était un pécher… Et ceci, pour la simple et bonne raison, que ce mot n’existait pas dans la langue de mes parents…
Notre peuple n’avait pas besoin de rédemption ou de soumission à un Dieu. Nous faisions partie de l’univers et chacun de nous était un enfant de ces Dieux qui nous aidaient à vivre. Je me disais que c’était sans doute, parce qu’il n’avait qu’un seul Dieu, que ces hommes qui étaient musulmans ou chrétiens, n’étaient pas très gentil avec nous.

Je les trouvais vraiment bêtes de croire à ce genre de fable. Ils n’avaient qu’à respecter tous les Dieux qui donne la vie. Comme ça, ils n’auraient pas besoin qu’un seul d’entre eux leur pardonne les mauvaises choses qu’ils décidaient de faire tout seul… Nos Dieux à nous, ils étaient nombreux à nous guider pour ne pas faire de bêtises, et être méchant. Ils se promenaient dans tout l’univers.
Ils faisaient parties de tous les éléments qui formaient la nature et le ciel. Ils parlaient le langage du monde… Si on ne les respectait pas, ils savaient se venger. Cela pouvait se traduire par la sécheresse, par le déluge, par l’absence de nourriture. Ils manifestaient aussi leur colère, par le grondement des volcans ou des tremblement de terre. Par la maladie, ils pouvaient nous rendre malades avec des maux inexpliqués que seule les shamans pouvaient guérir. Ils étaient les seuls qui arrivaient à communiquer avec eux. Ils faisaient parties des élus. Et moi, jusqu’à ce jour funeste, j’en faisais partie… Je savais parler aux Dieux et les comprendre…

Le narrateur (Eh Kri) Azukilé (reprend)
Quand je voyais ces hommes étranges, descendre et disparaître, à l’intérieur de cette maison flottante, je les comparais à des termites privés de soleil. Comme ceux-ci, ils remontaient plus tard à la surface et bougeaient dans tout les sens en donnant l’impression de faire beaucoup de bruit pour rien.

Ils avaient l’étrange peau laiteuse des fantômes qui hantaient parfois mes nuits. J’avais beau tendre l’oreille, je n’arrivais pas comprendre ce qu’ils disaient. Moi qui voulais être un farouche guerrier Barouba, à présent, je n’étais pas très rassuré par tout ce que je voyais autour de moi. Dans nos veillées au coin du feu, je n’avais jamais entendu parler de ses étranges créatures et un tas de questions se bousculaient dans ma tête… Malgré le soleil qui était haut dans le ciel, j’éprouvais une peur qui m’était en même temps familière et étrangère. C’était la même que celle, que je ressentais quand j’allais faire pipi ou caca dans les sous-bois quand la nuit était sans lune et sans étoiles. Celle qui me faisait sursauter quand j’entendais l’écho de bruits mystérieux et inconnus qui venaient de la savane.

Le public (Eh Kra) Azukilé (reprend)
Mon histoire avait commencé, il y avait de cela, plus de deux lunes.
Comme des bêtes sauvages des hommes avaient envahis mon village au petit matin. Ils étaient de la même couleur que nous, mais ils devaient venir d’une tribu très puissante, car ils possédaient des armes que je ne connaissais pas. Comme les éclairs, elles crachaient du feu en faisant un bruit de tonnerre. Puis ces armes terrifiantes faisaient des grands trous dans la peau de leur cible. Et de ces trous, des lambeaux de chairs déchiquetées apparaissaient avec du sang qui se répandait partout en petites ou en grosses taches rouges.

Puis les corps qui avaient été touchés, tombaient sans vie dans un nuage de poussière. Quand la mort avait prit possession d’eux, ils devenaient figés comme les petites statues que je sculptais pour jouer. Sauf que là, sur leur visage, Ils n’avaient pas les traits comme je les façonnais et qui montraient un semblant de vie. Ils étaient là, les yeux vides, sans même un sourire. On aurait dit des pantins désarticulés.

Après cet enfer, autour et dans mon village, des cris de désespoir résonnaient, et se mélangeaient avec les complaintes intérieures qui montaient jusqu’à nos Dieux. Je ne comprenais pas pourquoi, mais cette fois-ci, contrairement à leurs habitudes, ils ne me répondaient plus. J’avais perdu tout mes pouvoir, et ces barbares me firent prisonnier et m’attachèrent aux autres survivants pour que je ne puisse pas m’enfuir. On nous avait réunis sans ménagement en plusieurs groupes. Je ne savais pas si mes frères, mes sœurs, mon papa et ma maman étaient toujours vivants. Je n’avais aucune nouvelle de ma famille. A cause d’étrangers, j’étais devenu un orphelin de la vie.

La stratégie de mes tortionnaires était de séparer les gens qui venaient du même village. Ainsi, en les mélangeant à des inconnus faits prisonniers dans d’autres villages, ils ne pouvaient pas s’organiser entre eux pour fomenter une révolte. Et pour cause, on ne pouvait pas se comprendre. On ne parlait pas le même dialecte.

Le narrateur (Eh Kri) Azukilé (reprend)
Je me souviens qu’avant d’arriver dans ce port, nous marchâmes pendant des jours et des nuits. Complètement épuisés, j’appris que mes agresseurs étaient des intermédiaires qui exerçaient le métier de marchands d’ébènes.

Que ces méchants hommes agissaient ainsi pour nous vendre à des diables blancs, qui allaient devenir nos futurs maîtres. J’appris aussi que nous serions échangés plusieurs fois, jusqu‘au moment où d’autres hommes nous achèteraient à leur tour dans des pays inconnus dont personne n’était jamais revenu. Que nous étions pour eux un trésor aussi précieux que le sucre, le sel ou l’or…

Devant ce port, il y avait un immense Baobab qu’il nommait «  l’arbre sans retour. » On nous obligea à tourner autour de celui-ci pendant qu’un homme noir qui était avec nos gardiens et qu’ils appelaient «  le marabout » récitait des incantations bizarres…
Ce rituel avait pour but de nous faire oublier l’esprit des ancêtres qui pouvait encore nous habiter. Il servait aussi à effacer à tout jamais de notre mémoire la terre ou nous étions née.

Cet arbre était là pour nous faire comprendre que nous partions à tout jamais de notre terre d’Afrique. Que pour nous, il n’y avait aucun espoir de retour. De cette arbre, je percevais la sève pleurer. Je l’entendais me dire : Oh pleure mon enfant bien aimé, jamais plus tu ne t’abriteras à l’ombre de mes feuilles. Oh pleure mon pays bien aimé, tes enfants ne fouleront plus le sol du commencement du commencement.

A Cotonou, je me souviens que les hommes à la couleur de zombies albinos, m’avaient fait ouvrir la bouche. Ensuite pour vérifier si j’étais en bonne santé, ils m’avaient palpés le corps et tâtés mes parties intimes. Après, ils m’avaient conduis dans un enclos fermé comme on le faisait la nuit pour protéger notre bétail des bêtes sauvages.

Deux jours plus tard, ces hommes blancs et noirs, se livrèrent à des palabres qui étaient un mélange de signes et de mots. Ce qui semblait être des échanges dura longtemps avant qu’ils ne s’entendent, et qu‘ils ne se tapent dans les mains pour celer leurs accords. Après cela, le troc commença vraiment. Ils nous échangeaient contre des babioles ou des objets où l’on pouvait voir son visage bien mieux que dans le reflet du fleuve.

Ils nous échangeaient aussi contre des armes qu’ils nommaient fusils et des vêtements qu’on pouvait porter sur la tête ou qui vous recouvrait bizarrement tout le corps. Sans vergognes, ils buvaient beaucoup, et ils concluaient leurs trocs par de grands éclats de rire. Malgré les cris et les pleurs des femmes, ils en profitaient pour s’amuser avec elles en les violant. Les blancs leur donnaient l’autorisation et le faisaient eux aussi, car quand elles arrivaient enceintes aux Amériques ou dans les îles, elles avaient beaucoup plus de valeur quand elles étaient pleines.
Le public (Eh Kra) Azukilé (reprend)
Pour chasser de mon esprit ses images qui me rendaient malheureux, je me rappelais les veillés que nous faisions au clair de lune avec les gens de mon village. Les plus longues avaient lieus une fois par an, quand nous vendions nos bêtes à la foire d’ABOMEY. Ces soirs là, nous mangions copieusement et les femmes se faisaient belles en mettant les pagnes et les colliers qu’elles avaient échangés avec les autres tribus des environs. Ce moment de pur bonheur, je savais que jamais plus, je ne le retrouverais…

Le narrateur (Eh kri) Azukilé (reprend)
Je me souviens que pour la première fois de ma vie, j’étais seul au monde. Même s’il y avait à côté de moi, des hommes, des femmes, et des enfants de tous les âges, je ressentais un immense sentiment de solitude. J’étais un petit garçon perdu qui ne comprenait plus rien de ce qu’il lui arrivait.

En regardant l‘horizon où je voyais la mer et le ciel se rejoindre, je me disais que je n’avais plus de village puisqu’il avait été réduit en cendres. Il ne restait plus dans ma tête qu’un silence assourdissant qui avait remplacé le souvenir de nos soirées coutumières… Le temps où, le soir, je chantais, dansais, tapais dans mes mains ou sur des tambours autour du grand feu de la place de mon village, avait disparu. Même l’arbre à palabre était devenu muet.

(Le narrateur s’avance sur la scène, toujours accompagné d’une petite musique)

Le Narrateur
Un proverbe Africain dit : Si la petite souris abandonne le sentier de ses pères, les pointes du chiendent lui crèveront les yeux. (Eh Kri)

Laissez-moi vous poser une question ? Peut-on se fier à quelqu’un qui vous dit toujours que tout va bien. Quelqu’un qui ne pleure jamais ? Le silence aussi a ses larmes, mais elles sont toujours invisibles pour ceux qui n’ont que des certitudes. Le public (Eh Kra)

Un adulte noir (qui ressemble à Azukilé) entre 25 et 30 ans se lève et va au milieu de la scène.
Le narrateur (reprend)
Les proverbes ont toujours été écrits par des hommes de bon sens. Celui-ci par exemple, dit « On n’est pas orphelin d’avoir perdu père et mère, on est orphelin d’avoir perdu l’espoir. »
L’homme noir (Azukilé adulte)
Quand je suis arrivé au pays des belles eaux, on m’obligea à porter un nouveau prénom. Dans un rituel étrange, les blancs me plongèrent la tête de force dans un flot d’eau douce. Ils me dirent que maintenant, j’étais un chrétien, et ils m’appelèrent Georges… Ils étaient quand même un peu bizarre ses blancs… Je venais à peine de débarquer d’un bateau qui avait franchit l’océan et il voulait déjà me noyer dans une rivière… Je ne comprenais plus rien du fonctionnement des êtres humains…

Quand j’étais petit, franchement je ne savais pas qu’il existait des noirs méchants… Autour de l’arbre à palabres, on parlait parfois trop fort, mais on criait rarement. Et pour cause, la haine n’existait pas entre nous.
Dans mon village, les enfants étaient sacrés et ce ne serait venu à personne d’avoir l’idée de leur faire du mal.

Le narrateur (Eh Kri) Georges (reprend)
Les vieux parlaient de temps en temps de l’enfer et des créatures terribles qui y habitaient. Ils disaient, qu’ils ne vivaient que dans le royaume des morts et qu’il fallait avoir une méchante âme sur terre pour rester à tout jamais sous celle-ci après y avoir été enterré. Que cela ne concernait que ceux qui avaient eux une mauvaise vie. Ils disaient que le corps et l’âme était deux enveloppes différentes et qu’une belle âme s’élevait toujours jusqu’au ciel pour devenir dans la nuit une nouvelle étoile. Ce genre de récit ne m’avait jamais effrayé, car depuis ma naissance, j’avais toujours été un garçon respectueux de l’enseignement des aînés.

Mais maintenant, avec mes nouveaux compagnons d’infortune, j’étais là à attendre les caprices que le destin me réservait. Depuis qu’il avait prit la couleur blanche, je n’étais plus maître de lui…

Le public (Eh Kra) Georges (reprend)
Un soir de pleine lune, sans me demander mon avis, mon cœur s’envola brusquement de ma poitrine. Il alla rejoindre celui de Bintou et un peu de bonheur illumina mon visage. Elle avait deux ans de moins que moi et dans le monde de mon enfance, elle avait été ma petite fiancée.

Je me souviens que quand nous nagions ensemble dans une grande mare que formait l’embouchure du fleuve. Elle était habitée par les crocodiles sacrés, mais nous n’avions pas peur d’eux, car ils étaient nos amis. Par jeu, tout en nous chamaillant, on en profitait pour les asperger d’eau. Bintou avait un rire qui faisait chanter les pics bœufs et faisait ricané les hyènes quand elles venaient s’abreuvées. Tout les deux, nous étions comme des petits elfes espiègles qui ne pensaient qu’à être heureux.
Tout cela était bien finit maintenant. Je l’avais vue s’écrouler sans vie après qu’un coup de fusil l’eut foudroyée. Ce coup de feu avait entamé définitivement une partie de mon avenir amoureux…

Je revoyais en songe le griot et je me disais que je ne pourrais plus jamais l’écouter me raconter les légendes de nos ancêtres. Qu’il ne pourrait plus faire vagabonder mon imagination en me contant les aventures de mon héros préféré : Mam Bata le magnifique.

Il avait entre autres exploits, tué à mains nues, le plus gros lion mangeur d’hommes que la savane ait connue. Tout cela était terminé. Je ne pourrais plus lui demander de me raconter pour la 10ième fois l’histoire du méchant sorcier qui avait marabouté un enfant né des ténèbres et l’avait transformé en un fauve féroce, qui devint cannibale envers ses frères. Après cela, il avait fallut que Mam Bata le magnifique, lui parle de sa voix de stentor, pour faire fuir le démon à trois têtes qui se cachait en lui. Vaincue par la force de ses pouvoirs, il devint aussi docile qu’un chaton.

L’enfant devenu adulte, lui demanda alors pardon pour les crimes qu’il avait commis dans son passé d’animal dépourvus de l’esprit du bien. Cela lui fut accordé et il devint à nouveau homme.

Le narrateur (Eh Kri) Georges (reprend)
L’homme repentit supplia ce géant à la force de titan qui était devenu son maître de lui ôter la vie en étranglant ses 3 têtes errantes. Puis, il demanda une faveur. Celle de ne pas faire couler son sang sur la savane pour qu‘il ne se réincarne pas de nouveau dans la peau d’un enfant né d’une poussière de comètes noires qui s’était perdu dans l’univers et qui avait atterrie sur notre terre.
Le public (Eh Kra) Georges (reprend)
Maintenant, je ne rêvais plus aux immenses territoires que je survolais, porté par les ailes de mon ami l’aigle. La nuit, nous étions guidés par des lucioles virevoltantes qui éclairaient nos périples nocturnes et nous montraient toutes les beautés du monde. Mais depuis peu, d’un coup, je ne distinguais plus que la laideur qui régnait ici, car dans mes songes, on avait voilé mes rêves, et coupés les ailes de mon ami l’aigle… Il ne me restait plus rien de ce que j’avais connu. Il ne me restait plus que l’inconnu…

Je me souviens que je n’arrivais plus à voir les grands éléphants qui dansaient la trompe levée vers le ciel pour mieux humer les effluves convoyés par le vent. Quand il leur apportait les parfums d‘amour que les femelles répandaient autour d‘elles, ils avaient toutes les promesses qui allaient avec.
Je les voyais alors devenir tels des chevaux fous, courir dans tout les sens dans la savane. Petit à petit mon imagination, n’arrivait plus à voir les éléphantes se repaître paisiblement de feuilles et de racines. Je ne voyais plus leur progéniture imposante les téter goulument en toute quiétude. Tout ce petit monde, qui faisait partie de mon univers d’avant, je ne l’imaginais plus que comme moi… Enchainé…

Avec uniquement ma sagaie, je ne rêvais plus de chasser à l’approche de mes 13 ans, le lion à crinière de feu. Je ne me voyais plus dans la savane, le tuant bravement et revenir fièrement dans mon village.
Au fond de moi, j’enrageais, car jamais, je ne possèderais les poils de sa crinière, sa queue et ses deux énormes incisives pour prouver mon exploit.

C’était avec ces trophées que je devais passer de l’état de petit d’homme à celui d’homme. Cela devait être mon rite initiatique pour passer à l’âge adulte. Pour survivre, je demandais à tous les Dieux de m’apprendre à résister et à me révolter, car j’avais l’impression que je ne grandirais plus jamais… J’avais peur de rester à jamais un enfant.

Et maintenant que l’oncle Cissé était mort, il ne pouvait plus m’initier à jouer du Tam Tam pour devenir comme lui la mémoire du temps passé. Entre mes doigts habiles plus jamais je n’entendrais la nuance des rythmes s’élever jusqu’aux ciel au son du Gwo ka. C’était une mélopée frénétique qui, portée par les ondes, nous rapprochait des dieux car elle incitait ceux-ci à venir nous rejoindre pour prendre possession de nos corps et danser en nous et avec nous.

Quand cela arrivait, pris de transe, nous ne faisions plus qu’un avec tous les esprits bénéfiques qui circulaient dans l’univers. Le tambour était pour nous le langage des mains et la mélodie des esprits.
(Musique de tambour Gwo ka) Le Narrateur revient sur scène avec une tête de crocodile dans la main et il se met à côté de l’homme noir pour lui répondre.
Le Narrateur
Un autre proverbe Africain dit : n’insultez jamais un crocodile quand vous avez encore les pieds dans l’eau. Et un autre : Méfiez-vous toujours du crocodile qui dort. Même les yeux fermés, il vous observe.

Georges (Reprend)
J’avais beaucoup de respect pour l’esprit crocodile. Je me souviens que quand le soleil était haut, j’aimais lui poser mille questions pendant qu’il se prélassait tranquillement le long du fleuve… Il s’appelait Babou…
– Dis-moi Babou, pourquoi la pluie, a-t-elle la même saveur que les larmes du bonheur ?

(Le narrateur répond avec le masque d’un crocodile)- Parce que la pluie, c’est la vie, Azukilé…
– Dis-moi Babou, pourquoi le vent transporte-t-il des parfums venus de si loin, qu’ils m’enivrent parfois jusqu’à en perdre la tête ?

(Le narrateur crocodile)- Parce que le vent est libre comme l’air. Il peut t’apporter le souffle de l’univers, sans que tu ais besoin de te déplacer. Si la compassion est dans ton cœur, les effluves de la terre seront eux aussi, en empathie avec toi. Cela te permettra de les apprécier à l’infini. C’est parce que tu es sensible que tu ressens les saveurs de la vie. Celui qui est insensible, reste dans l’ignorance de ce genre de vertu. Il ne peut goûter à ce genre de plaisir. Il ne connaîtra tout au long de son existence que l’égoïsme de sa petite personne.

Le narrateur, enlève son masque (Eh Kri) Georges (reprend)
A mesure que le temps passait, une certaine insensibilité me gagnait. Je n’arrivais plus à m’imaginer grand. Je ne voyais plus mon avenir se réchauffer aux rayons du soleil.

Les lois de ma nature, les lois de la nature, n’étaient plus celles que j’avais connues à ma naissance. En cette année de 1688, mon futur dépendait aujourd’hui du Code Noir. Ce code régissait tout ce qui concernait la manière de traiter l’esclave que j’étais devenu… J’appris que pour ces créatures à la pâleur de craie, j’étais de la race des congonoïde. Que j’étais mi-homme, mi-singe. Je découvris par la même occasion les affres inhérentes à la définition péjorative d’esclave négroïde… J’appris plus tard, que ma couleur était du à la malédiction du Dieu, de toutes les religions monothéistes.

Quelque soit le nom qu’on lui donnait, pour lui, j’étais un animal dépourvu d’esprit, d’âme et de deux mots qui n’existaient plus dans ma vie sous peine de grave représailles : Les mots « homme et libre. »

A ce sujet, il y était écrit dans l’article 38 du code noir, ceci : L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois, à compter du jour que son maître l’aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lis à une épaule ; s’il récidive un autre mois pareillement du jour de la dénonciation, il aura le jarret coupé, et il sera marqué d’une fleur de lys sur l’autre épaule et la troisième fois, il sera puni de mort. »

Le public (Eh Kra) Georges (reprend)
Après des jours et des jours d’incertitude, il se produisit enfin un nouvel évènement.
On me fit monter dans le grand monstre de bois pour me faire descendre ensuite dans ses cales qui étaient aussi sombres que le trou d’un scorpion venimeux. Mon village étant au milieu de mon pays, c’était la première fois que je voyais autant d’eau autour de moi.

Moi qui avais l’habitude du fleuve ou des marécages, l’immensité de cette eau me remplissait d’angoisse. La malédiction qui était maintenant en moi ne me laissait qu’un seule choix : Subir son immense étendu… En bas, mes yeux commencèrent à s’habituer peu à peu à l’obscurité ambiante. Dans l’attente de notre départ, on m’enchaina et on m’entassa tête bêche, et côte contre côte avec d’autres compagnons d’infortunes.

J’attendais stoïquement de savoir jusqu‘où mon infortune allait m’emporter. Je me retrouvais ballottés par le flux et le reflux de cette immensité maudite qui tapait comme un métronome contre l’ossature de ce vaisseau. Au bout d’un moment qui me sembla interminable, cela me rendit malade et nauséeux. Et après avoir régurgité le maigre repas qu’on m’avait servit, je nageais dans mes vomissures. Elles se mélangèrent à mes excréments qui étaient devenus liquides à cause d’une diarrhée foudroyante qui s’était déclenché peu de temps après.

Heureusement pour moi, dans mon malheur, j’étais en relative bonne santé. Mon mal, n’était ni la dysenterie, ni le choléra… Mes compagnons et moi, avec l’odeur que nous dégagions, nous attirions les rats qui étaient omniprésents à bord. Ils venaient se délecter de nos rejets et nous mordaient quand nous nous débattions à coup de pied, pour essayer de les faire fuir…

Après des heures et des heures d’attentes, ce maudit monstre décida enfin de prendre le large…

Le narrateur (Eh Kri) Georges (reprend)
Je sentis que je m’éloignais inexorablement vers d’autres cieux que je n’avais pas demandé à connaître. Je n’avais pas de haine en moi. J’éprouvais en revanche une immense lassitude. Elle se manifesta d’une façon inattendue, par une grande fatigue mêlée à une tristesse infinie. Je naviguais vers l’inconnu, mais mes larmes, bizarrement pour la première fois, refusèrent de couler le long de mon visage d’enfant. Bien sur, puisqu’on ne m’avait pas tué, je savais que j’allais vivre. Que la mort, que j‘avais tant souhaitée au fil de ces derniers mois, ne voulait décidément pas de moi.

Le public (Eh Kra) Georges (reprend)
Je me disais que plus tard, j’aurais peut-être des enfants puisque des fillettes de mon âge étaient parmi nous. Malheureusement pour moi, ce ne serait plus avec Bintou. Depuis notre plus tendre enfance, nos parents avaient décidé que nous serions mari et femme. Inséparable, nous étions d’accord pour leur obéir.
Elle était partie rejoindre le monde des esprits sans moi. Je fis une longue incantation pour qu’elle retrouve dans l’au-delà, ceux qu’elle avait aimés et ceux qui l’avaient aimée. C’est alors, que bercé par son souvenir et les roulis, je réalisai que de fines larmes sans importances pour ceux qui ne connaissaient pas mon histoire, coulaient cette fois-ci, le long de mes joues d’enfant.

Après ce départ sur l’infiniment grand, nous arrivâmes sur une terre qui était tout au bout de l’océan. Elle était pleine de soleil et il faisait aussi chaud que dans mon pays natal. Par contre, elle ne possédait aucun des animaux qui m’étaient familiers. Je me demandais comment j’allais faire pour devenir un homme là où il n’y avait pas de lions, pas d’éléphant, pas d’aigle et surtout pas de crocodile.

Enfin débarqués, il y avait beaucoup de sans-couleur, qui ne savait qu’aboyer des ordres que nous comprenions à peine. Nous fûmes revendus à d’autres hommes blancs qui nous détaillèrent et nous auscultèrent encore et encore comme des vétérinaires. Pendant ces actes et ces transactions, mes yeux restaient vides de toute émotion. A un moment pourtant, quand je m’y attendais le moins, au cours d’une énième palpation, sans que mes yeux ne soient concernés, il se passa quelque chose d’étrange. Une certaine résignation avait envahi mon esprit. Je me rendis compte, que ce qu’il se passait en ce moment, aurait une influence pendant des siècles et des siècles sur les origines que j’avais perdues. Que ce serait l’un des héritages que je transmettrais involontairement à ma descendance. Que longtemps émergerait consciemment ou non, de leur cœur un syndrome de mal être et de rupture.

Un sentiment d’être déraciné et de n’avoir sa place nulle part. De ne plus avoir sa propre histoire, car les valeurs, les liens, les repères, les racines qui se trouvaient en moi, s’étaient envolé tel des oiseaux de passages qui ne reviennent pas sur leur lieu de naissance. Ils avaient été remplacés par une autre réalité qui n’avait pas de place pour les relents de douceur que j’avais connu naguère.

Quand j’étais petit et qu’il y avait un enterrement le griot me disait souvent : Ne soit pas triste Azukilé, n’oublies jamais qu’après, toute nouvelle vie est le chemin de la renaissance d’un ancêtre disparu. Je me posais alors cette question « Qu’avait fait mes ancêtres pour que je sois puni de la sorte.» Que les blancs choisissent de changer de pays, d’oublier leurs racines, de conquérir la terre entière, c’était leur problème. Mais moi qui ne leur avais rien demandé, contre mon gré, ils m’avaient intégrés dans leur plan d’expansionnisme conquérant…

Je constatais très vite qu’il me serait impossible de fuir cette terre qu’on appelait « Guadeloupe. » Elle était devenu pour moi une prison au milieu de nul part. Dans un rêve, j’interrogeais de nouveau l’esprit crocodile qui était resté au pays, le long du fleuve Alibori.
– Dis-moi Babou, pourquoi la pluie n’a plus la même saveur que les larmes de bonheur d’en temps?
(Le narrateur remet son masque crocodile)- Parce que maintenant, quelle que soit sa saveur, quand elle tombe, ce n’est plus la même pluie.
Ce n’est plus celle qui faisait reverdir comme par miracle la nature de ton pays de naissance après une grande sécheresse. Celle qui quand elle arrivait donnait le sourire à tout les tiens. Les temps anciens sont perdus à jamais, ce ne sont plus ceux que tu as connus. La pluie n’est plus autant vénérée par ici. Tu l’as ressent encore remplie de l’amertume du sang naguère versé.

– Dis-moi Babou, pourquoi le vent ne transporte plus, les parfums lointains que je pouvais reconnaître entre tous ?
(Le narrateur crocodile)- Parce que ces parfums sont nés libres et vont au gré de leurs fantaisies. Ils sont portés par le maître des airs qui lui aussi est libre. Toi qui ne l’es plus, tu as maintenant perdu tout ça en chemin. Tu n’as plus avec elles la communion du ressentit pour les apprécier. Une partie de ton âme est restée dans le pays des hommes forts. On a brisé ton imaginaire et tu ne peux plus t’accrocher sur les ailes de l’aigle pour voir le monde et ses joyaux. Toi qui avais l’habitude de grimper jusqu’au sommet majestueux du baobab planté près de ton village, tu en es descendu brutalement pour atterrir dans la cale du navire de la misère et de la laideur. Dans tes lendemains, ta quête sera de trouver d’autres parfums de vie qui te rendront, qui sait, peut-être de nouveaux heureux. Même si tu n’es plus dans le pays des hommes libres, là où tu es maintenant, deviens un homme fort… Apprends à te construire des nouveaux rêves.
Ecoutes ce conseil petit d’hommes : Un proverbe de tes ancêtres dit «Le soleil n’oublie jamais un village, même s’il est petit »

Le narrateur (Eh Kri) Georges (reprend)
Après ces mots, l’esprit crocodile ne se manifesta plus jamais dans mes songes pour répondre aux questions que je lui posais lors de mes soirs de cafard…
Le monde des blancs, ne l’intéressait pas. Il refusait de franchir l’océan qu’on avait mis entre lui et moi. Il ne voulait pas finir prisonnier dans un marigot infect, tout juste bon à recevoir deux canards incapable de s’envoler…

Je me mis à espérer que dans le futur, au moins un de mes descendants aura les mêmes aspirations que moi. Je pourrais ainsi lui souffler l’esprit de l’oncle Cissé : Lui apprendre à danser ses rêves, chanter avec les esprits pour qu’il retrouve un peu de ce qui a été perdu. Lui murmurer à l’oreille : N’aie pas peur petit homme, même si ma présence après ses siècles passés est diffuse dans ton esprit, je suis plus près de toi que tu ne le penses.

L’homme noir va se rassoir laissant le Narrateur qui le rejoint et dépose la tête du crocodile à ses pieds, il revient au milieu de la scène.

Le public (Eh Kra) Le narrateur (reprend) : Shakespeare à écrit « C’est une histoire pleine de bruit et de fureur, raconté par un idiot et qui ne signifie rien » Je vous laisse juge de la suite… Un homme se lève, il est roux (pleins de taches de rousseur partout) il a un costume de Gendarmes. Il porte son képi jusque sur son nez… On ne voit pas ses yeux.

L’homme roux
Je m’appelle « Théophile Ker. » Je suis né en 1896 dans le Morbihan par Auray. J’ai des origines bretonnes et Alsaciennes. Très tôt, je me suis engagé dans la gendarmerie nationale, et très vite par ma rigueur et mon intransigeance, je suis monté en grade.

En 1933 grâce à mon travail et à mon zèle, j’étais devenu brigadier chef. J’étais célibataire, et depuis mon entrée dans ce corps d’armée, j’ai été souvent déplacé un peu partout dans l’hexagone. Ayant l’esprit d’aventure, en 1934, je fus gâté quand on me muta dans un de nos territoires d’outre-mer. C’est ainsi qu’après plus d’un mois de traversée, je débarquais dans la commune du Gosier en Guadeloupe, comme chef de la gendarmerie.

Théophile Ker
J’étais raciste et je ne le cachais pas. Je considérais les métèques, les niakoués, les bols de riz, les bicots, les bougnoules, les nègres comme des êtres inférieurs. Dans le dernier bled où j’avais été affecté en Alsace, J’avoue que j’en connaissais pas personnellement, car il n’y en avait tout simplement pas… J’en avais vu dans des magazines ou aux actualités cinématographiques, et mon opinion était bien arrêtée à leur sujet.

J’étais décidé à leur faire respecter les lois de la république, dans tous les territoires que nous contrôlions de part le monde. Ses lois avaient été faîtes par nous et pour nous les blancs qui étions un peuple supérieur.
Certes l’esclavage n’existait plus, et même s’il était écrit « Liberté, égalité, fraternité » sur les écoles et les mairies, ce n’était pas mon problème. Pour moi, chacun devait rester à sa place…

Et quand bien même si dans le passé, depuis on enfance, ceux de ma communauté, m’avaient traiter de rouquemout, de poils de carottes, de sale rouquin et rejeté, je m’en foutais royalement. J’étais tout comme eux un blanc. En plus en devenant chef, j’étais dépositaire de l’autorité de l’état. De toutes façons, ils y avaient plus sales que moi, et c’étaient dans ma nouvelle affectation, les nègres. Réactions du Public !!!

Le narrateur (Eh Kri) Théophile Ker (reprend)
Dans ce petit village paradisiaque de bord de mer, j’avais six gendarmes qui travaillaient sous mes ordres. J’étais tout puissant, et ce n’étaient pas des nègres sous développés qui allaient m’emmerder dans mes nouvelles fonctions. Après mon arrivé, je cherchais une bonne pour s’occuper de la gendarmerie et de mon appartement de fonction. Il se présenta dans mes locaux parmi d’autres, une jeune négresse au teint café matinée de lait, qui n’avait pas encore 14 ans. Son entretien s’avéra concluant, et j’acceptais de la prendre à mon service. Elle était travailleuse, débrouillarde et à son âge, elle savait déjà tout faire.

Malgré le fait que je trouvais ses origines inférieures aux miennes, je ne sais pas pourquoi je fus tout de suite indulgent avec elle.

Hormis le créole que je ne comprenais pas, elle parlait quand même un Français qui m’était compréhensible. Il faut dire aussi que malgré sa jeunesse, elle avait un sacré caractère. Moi qui étais de nature taciturne et froide, cela facilita nos épisodiques échanges. J’étais seul, célibataire et les nuits caniculaires de cette île étaient longues. En fin de compte, quelque soit son âge, avoir une présence féminine pas chiante en permanence près de moi, ne me déplut pas. Je me raisonnais en me disant que dans mon lit, sa couleur de peau, n’avait pas une énorme importance. Je l’y invitais et elle accepta. Par la suite, elle tomba enceinte, puis elle accoucha d’une petite fille avant ses 15 ans. Celle-ci naquit en novembre 1936. Je ne l’a vit qu’une fois. Et même si, elle avait quelques taches de rousseur qui rappelaient notre affiliation, à mes yeux, elle n’était rien. Je ne me trouvais pas dans l’obligation de la reconnaître comme ma fille où d’avoir de l’affection pour elle.

Après tout, sa mère n’avait qu’à faire attention. Maintenant, c’était à elle de se débrouiller pour prendre soin de son bâtard. Dans les îles, depuis des siècles, les femmes avaient l’habitude d’élever seule leur progéniture. Je n’avais donc aucun remord à avoir. Leurs anciens maîtres faisaient exactement la même chose que moi et les hommes de leur couleur aussi.

Après son accouchement, elle ne revint pas travailler à la gendarmerie. Cela perturba sérieusement mon quotidien, car elle était propre, ordonnée, et en cuisine, c’était une perle.

Je ne vous cacherais pas qu’avec le temps, je me mis à regretter sa présence dans mon lit… Rendez-vous compte, toutes les autres bonnes à tout faire que j’ai eu par la suite, avaient refusés de coucher avec moi. Et même si j’étais détenteur de la loi, je ne pouvais même pas les y obliger.
Je rongeais donc mon frein dans cette île, au milieu de ses êtres nonchalants, où il ne se passait pas grand chose. Je n’avais pas beaucoup d’activités à faire en dehors de mon travail et je m’ennuyais ferme. Le soleil n’était pas bon pour ma couleur de peau et je craignais ses brulures. Cela avait aussi pour conséquences de m’interdire les plaisirs de la plage et de la mer.

Environ 8 mois plus tard, quand nous étions déjà fin 1937, un soir, avec mon équipe, nous avons arrêtés un nègre. Il perturbait l’ordre public, et j’avais décidé qu’il fallait l’interpeller. Menotté, mis en cellule de dégrisement, après les nombreux verres de punch qu’il avait ingurgités, le bougre continuait à chanté à tu tête en créole dans sa cage.

Les Tambours gro ka jouent pendant le chant…
Oh mamman, faut dit moin pou ki bitin.
Oh papa, cé gendames la yo maré moin
Oh mamman, faut dit moin pou ki bitin.
Oh papa, cé gendames la yo maré moin

Quand il s’arrêtait de chanter, il parlait haut et fort et nous pensions que dans sa langue de barbare, il nous couvrait d’insultes. Moi et mes collègues, nous décidâmes de lui donner une bonne leçon pour lui apprendre le respect de l’uniforme. On le tabassa tant et si bien qu’au petit matin, on se rendit compte qu’on avait eu la main un peu lourde. Le nègre était mort et en plus, comme pour nous narguer, il avait un sourire béat dessiné sur son visage…

Le narrateur (Eh Kri) Théophile Ker (reprend)
Comme une trainer de poudre la nouvelle se répandit dans cette petite ville de pêcheur. Au son des tambours, des centaines de nègres, étaient venus de nul part, encercler la gendarmerie pour nous agresser.

Je fis appel à l’armée qui vint nous protéger et débloquer la situation. Les nègres étaient comme des fous. Ils voulaient se venger, car celui que nous avions tué, était considéré comme un homme gentil et inoffensif.

A mon arrivé dans cette île, je n’avais pas deviné que derrière leur apparente soumission, les Antillais pouvaient devenir dur et combatif. Qu’ils n’oubliaient jamais rien et qu’ils pouvaient être de redoutables émeutiers. Que sous leur aspect tranquille et conciliant, ils pouvaient exploser très vite pour n’importe quoi… Après pas mal d’échauffourées, l’armée nous dégagea avec force, et on nous rapatria dans le port de Pointe à Pitre qui se trouvait à quelques kilomètres de là.
On nous embarqua clandestinement de nuit, sans aucun confort sur un vulgaire bananier. Comme une marchandise de seconde zone, nous partîmes en urgence et en piteux état rejoindre la France. Nous n’avions pas eu le temps de faire nos valises et nous ne portions que l’uniforme crasseux qui était sur nous depuis plusieurs jours. Je trouvais inadmissible que le respect de l’autorité de l’état ne soit pas appliqué dans ce territoire de la république. Toute fois, quand j’appris que pendant des siècles, il ne se passait pas 3 ou 4 mois sans qu’ils n’y aient des incidents ou des révoltes dans les plantations, je ne me plaignis pas trop de fuir en catimini cette île devenu pour moi inhospitalière. L’instinct de survie me fit comprendre très vite que cette évacuation était devenu une question de vie ou de mort pour moi et mes hommes…

Arrivé en France, j’appris après notre départ, que la gendarmerie avait été certes détruite par le feu, mais que par la suite les émeutiers avaient entièrement cassé à la masse toutes les briques du bâtiment qui tenait encore debout. Que de ma belle gendarmerie, il ne restait plus qu’un terrain vague où se mirent à pousser les mauvaises herbes.

Le narrateur (revient au milieu de la scène)
Ce ne fut qu’en 1965 que celle-ci sera reconstruite… Cet à dire 28 ans plus tard… De cet homme, les Gosériens gardèrent un souvenir longtemps vivace. En plus de son racisme affiché et de sa brutalité, la légende disait qu’aucun d’entre eux, ne vit jamais la couleur de ses yeux. Il portait son képi de telle façon que la visière de celui-ci, lui cachait le regard.

J’ose espérer qu’il l’enlevait quand il faisait l’amour avec sa petite bonne de 14 ans. Je pense qu’elle a vécu avec cet homme ce qu’on appelle « le syndrome de Stockholm. » Qu’elle aima sans doute à sa manière cette espèce de bourreau imbécile dénué de compassion.

Le public (Eh Kra) Théophile Ker (reprend)
En France, on m’affecta dans une autre gendarmerie plus tranquille et ma vie repris son cours dans l’ordre et toujours dans le respect de la loi. J’étais intransigeant dans l’application de ses articles, et je ne laissais rien passer. Pour moi, l’ordre, c’était l’ordre. Aucune discutions à ce sujet, n’étaient possible. Le règlement, rien que le règlement… Ne me faîtes pas chier en me parlant d’humanité ou d’autres choses du même genre. Ce sont des mots que je n’ai pas appris à ma naissance. Quand j’étais jeune, personne n’avait été là pour me transmettre leur sens profond…

Théophile Ker va se rassoir, parmi les autres comédiens. Un homme Antillais se lève et raconte son histoire au son des tambours…
I Cho
Nous sommes en 1951 et tout le monde m’appelle I Cho. J’habite en Guadeloupe à Carénage. C’était un bidonville de tôles à la sortie de la pointe. J’habitais là, car, je n’avais pas les moyens d’avoir une vraie case sur un terrain à moi. J’étais vendeur de journal et j’aimais le rhum. Tous les jours, j’allais devant le plus grand restaurant du bord de mer, où on peut boire et manger, pour vendre mon journal à leurs clients en terrasse… Pour que tout le monde sache quand j’étais là, je criais à tu tête «  I cho, i cho » Cela voulait dire, « C’est chaud, c’est chaud » Et je racontais le fait divers qui était à la une… Et entre quelques ventes, pour me donner du punch, j’allais boire plusieurs ti punch… Le premier de la journée après le réveil, s’appelait un décollage. Et le dernier ??? Il n’avait pas de nom…

Le narrateur (Eh Kri) I Cho (reprend)
Je reconnais qu’à la fin de la journée, en té souvent sou (soul) qu’on on cochon. On dit ça, car de temps en temps on donne du rhum au cochon pour que sa chair ai un meilleur goût… On cochon sou, ça ka fai kon sa. « Y ka fai « Groiun, grouin, fesse ail a tè »

I Cho
Le restaurant appartenait à un couple qui était composé d’un blanc, d’une très belle mulâtre très prétentieuse. Elle se prenait pour le nombril du monde, et elle avait deux jeunes et beaux enfants. Elle commandait son mari blanc, et tous les jours, elle lui demandait de me chasser. Et tous les jours, il me faisait partir avec l’aide de son gros berger Allemand qu’il tenait en laisse, mais qui aboyait rageusement contre moi…

Mais un jour, il lâcha son tueur de chien contre moi, et celui-ci me dévora littéralement devant les nombreux Antillais qui étaient là… Et quand il rappela son fauve près de lui, j’étais très gravement mordu sur tout le corps. Cela ne l’empêcha aucunement de venir près de moi, de m’insulter, et de me cracher dessus…

I Cho va se rassoir et le narrateur revient au centre de la scène. Il fait signe au public…

Le public (Eh Kra) le narrateur (reprend)
Et comme d’habitude, l’événement se rependit dans toute l’île. Les Guadeloupéens débarquèrent dans le restaurant de cet homme avec leur machette qui était sensés couper la canne…

L’homme avait fait deux très graves erreurs. Pour les Antillais, les chiens étaient détestables car ils étaient les instruments qu’utilisaient les blancs pour faire preuve de domination envers eux. Ils étaient l’instrument principal de leur répression… Et si vous crachiez sur un descendant d’esclaves, c’était là, la pire des humiliations… Les insultes ne furent pas prisent en compte puisque lui même était marié avec une descendante d’esclaves…
Le narrateur (Eh Kri) (reprend)
Les Antillais saccagèrent, tout d’abord, entièrement le restaurant… Puis par la suite, avec leurs machettes, ils découpèrent le berger Allemand, ainsi que son maître en morceau… Dans le port de la place de Pointe à Pitre, plus tard, il flotta, des chaises, des tables, mais aussi des lambeaux mélangés de chairs humaines et animales… Heureusement que cela ne sait pas passé au Gosier. Cela ne faisait même pas 2 ans que l’état venait de reconstruire la nouvelle gendarmerie…

Par contre, même si tout venait de sa faute, ils ne firent aucun mal à sa femme et à ses enfants… le public (Eh Kra) nous étions sauvages, certes, mais pas des barbares….

Une jeune femme couleur café au lait, assis sur un lit d’hôpital à roulette et mit à la verticale, est poussée au devant de la scène.
Un autre personnage pousse à côté d’elle un casier à roulette et vont se rasseoir. Son maquillage lui donne l’aspect d’une femme de 30, 35 ans très fatigué. Elle mesure 1,62m environs.

La jeune femme
Je m’appelle Eva Hyppolite, je suis né à Gosier en 1921. Nous sommes déjà en 1954 et je suis encore une jeune femme. Je vais avoir 33 ans et comme le Christ au même âge, je vais bientôt mourir. J’essaye de me battre désespérément contre la mort, mais J’ai un cancer, de là ou les femmes donne la vie. Je souffre énormément, car j’ai des douleurs atroces qui me serrent le bas du ventre. Malheureusement pour moi, plus aucun médicament de mon époque ne me soulage…
La seule chose qui me donne un peut de répit, c’est quand ma fille met mon petit fils qui vient de naître, sur mon ventre. Personne dans ma famille n’ose me toucher, à part elle. Tout le monde pense, certains médecins compris, que le cancer est contagieux. Que mon mal va déteindre sur mon petit-fils. Que des bêtises du à l’ignorance. Au fond de moi, mon instinct sait qu’ils ont tord. Pour toute réponse, j’essayais de garder le sourire de la fatalité en leur disant. « Vous en connaissez vous, des garçons qui meurt d’un cancer de l’utérus ??? Moi pas…» Et puis, aucune grand-mère au monde digne de ce nom, voudrait donner la mort à son petit fils…
Le narrateur (Eh Kri) Eva (Reprend)
Ce soir, je retrouve un peu le sourire. J’ai enfin réussis à avoir un billet d’avion pour venir en France me faire soigner.

A part mon petit fils, j’ai deux rêves qui me tiennent en vie. Voir Paris et ce fameux général dont j’ai connu le nom pendant la guerre. Il s’appelle le général De Gaulle…

On m’a prise en photo pour la première fois pour faire mes papiers d’identités et ça m’a un peu rassuré. Quand on m’a transporté dans l’avion, juste avant de décoller, j’ai eu un grave malaise. Le médecin de bord m’a ausculté et il a dit à ma fille que je ne survivrais pas à ce long voyage. Qu’il fallait me redescendre à terre pour me laisser mourir en paix.

Pour la première fois de ma vie, la force, même si elle était encore en moi, n’était plus avec moi. Alors je demandais à ma fille de mettre une dernière fois mon petit fils sur mon ventre pour que je lui transmette 3 choses pour protéger son futur. Je lui murmurais péniblement, qu’il n’aurait jamais faim… qu’il aurait toujours un toit. Et qu’il verrait les enfants de ses enfants.

Le public (Eh Kra) Le narrateur (reprend)
Aux Antilles quand un parent proche, avant de mourir fait ce genre de vœu, on dit que l’enfant est monté. Cela ne veut pas dire que dans sa vie, il n’aura pas de déconvenue. Cela veut dire simplement, que quoi qu’il arrive, il s’en sortira toujours. Qu’aucun problème ne sera insurmontable pour lui…

Eva reste immobile comme morte pendant que le narrateur parle. Quand il a finit, elle se lève du lit, ouvre le casier et prend de quoi se démaquiller. Se regarde dans un miroir. Elle a maintenant 20 ans… Elle enlève sa chemise d’hôpital, prend une robe madras dans le casier et s’habille.

EVA
Nous sommes en décembre 1940. J’ais 20 ans et je suis pleine de rage contre tout ce monde qui m’entoure. Les Français, les Anglais et je hais les allemands. Je me retrouve coincé dans une île Anglaise qui est en face de la Guadeloupe et qui s’appelle « La Dominique » Je suis petite de taille, mais je suis une battante. Je n’ai peur de rien ni de personne. Pas même de la mort… Les esprits de mes ancêtres qui viennent de quatre continents sont encore en moi et me supportent. Je suis une femme d’ici. Je suis une femme de là-bas. Je suis une femme d’ici. Je suis une femme libre et je suis prisonnière sur une île que je maudis.

Le narrateur (Eh Kri) Eva (reprend)
Avec mes frères, depuis petite, je soulevais de la fonte et je me battais comme un homme si on me manquait de respect. Et plus tard, ça me servit, pour protéger ma fille si on voulait la toucher. Dans ma famille où tout le monde avait des couleurs plus ou moins foncées, elle, elle était quasiment blanche.

On pouvait la prendre pour une Italienne, une Espagnole, et bien sur une vraie Française des îles. Le jour où un de mes frères lui a donné une claque quand il a deviné qu’elle était enceinte  « wouf, wouf » (elle mime un combat de boxe) Je me suis battu avec lui comme une folle. Il avait un nom d’empereur Romain et avait 30 kg de plus que moi, je n’avais pas peur. La colère était ma force… Il s’appelait Marcélus, mais jusqu’à sa mort, il se souviendra des coups de poings que je lui ai donnés ce jour là…

Elle était née le 29 novembre 1936. J’avais 15 ans et son père était un blanc. J’avais accouché dans la case de ma mère sans un vrai médecin, et cela ne s’était pas trop bien passé pour moi. Mon bassin encore juvénile avait subit un gros choc et en plus d’une hémorragie, il s’était légèrement déformé… A sa naissance, son père ne la vit qu’une fois, car peu de temps après, il fût obligé de repartir précipitamment pour la métropole. Ce n’était pas trop grave, ma devise était « kin bé rède. » Cela voulait dire « Tiens dur »

J’allais l’élevée seule, comme ma propre mère l’avait fait avec les nombreux enfants qu’elle avait eu avec les deux hommes très actifs qu’elle avait connu dans sa vie…

J’avais l’habitude dans mon île, de voir les hommes disparaître après une paternité, revenir et s’enfuir à nouveau. C’étaient des beaux parleurs qui ne pensaient qu’à eux et n’assumaient rien de leurs actes.

Le public (Eh Kra) Eva (reprend)
Ma fille était née le jour de l’avent et Je la baptisais donc cinq mois plus tard, du nom d’Aventine. J’avais choisis l’un de mes grands frères dont j’étais le plus proche pour être son parrain. Il s’appelait Victor Hyppolite. A sa demande, il venait de s’engager dans l’armée Française. Après des tests qu’il avait réussis avec brio, on l’avait accepté. Il avait fière allure, et il portait beau. Sur la seule photo qu’il m’avait offert de lui en uniforme, il reflétait toute la noblesse qu’un homme vrai devait avoir. Il allait bientôt rejoindre la France, mais avant de partir, avec sa prime, il acheta une vache qu’il me donna pour sa filleul. Les temps étant de plus en plus troubles, avec ce cadeau, il m’affirma que comme ça, quoi qu’il arrive, j’aurais toujours du lait pour la nourrir.
Le narrateur (Eh Kri) Eva (reprend)
La guerre avait éclaté en 1939 contre les Allemands, et depuis, je n’avais plus de ses nouvelles. Après la débâcle de 1940, le gouverneur de la Guadeloupe qui s’appelait Constant Sorin, prêta allégeance au maréchal Pétain, le sale traitre de défaitiste. J’étais pas d’accord. Nous les femmes et les hommes libres de mon pays la France, on ne l’entendait pas de cette manière. Quand son gouvernement essaya de recenser tous les juifs qui habitaient sur l’île, il n’en trouva aucun. Et pour cause, on les avait tous cachés dans le fin fond de ce qu’on appelait «  les Abymes »

Pendant des siècles nos ancêtres avaient subis la persécution, et la répression, à cause de leur couleur de peau. Il n’était donc pas question, que des siècles plus tard, que nous chrétiens, nous participions au martyre d’êtres humains uniquement parce qu’ils étaient juifs… Il se disait qu’ils étaient différents de tout le monde. A part qu’ils étaient aussi blancs que les saints de nos églises, je n’avais rien remarqué de particulier en eux…

Chez mes patrons Syriens où je travaillais comme bonne, quand ils n’étaient pas là, j’allumais souvent radio Londres pour avoir des vraies nouvelles de la France. Elle émettait jusqu’à nous de la Dominique. Et un jour, j’entendis pour la première fois, la voix grave d’un homme qui se disait général et qui affirmait que nous avions perdu une bataille, mais pas la guerre.
Qu’il fallait se regrouper et continuer le combat. C’est à partir de ce 18 juin 1940, que je décidais d’entrée en dissidence.

Le public (Eh Kra) Eva (reprend)
Avec des compagnons qui pensaient comme moi, nous payâmes un propriétaire de gommier pour traverser de nuit le canal de la Dominique.
Je voulais à tout prix rejoindre ce Général, et mon grand frère pour me battre contre un ennemi dont je n’avais aucune idée de ce à quoi il ressemblait, à part qu’ils étaient tous blond…

Il n’était pas question que je laisse ma fille de 4 ans derrière moi et je l’embarquais dans cette aventure sans penser à la mort.
Sous l’assaut des vagues immenses qui nous bousculaient de tous les côtés de notre embarcation, nous là frôlâmes plusieurs fois. Pour ne pas passer par dessus bords, elle était solidement attachée à mes pieds, mais du début jusqu’à la fin de cette épopée, la pauvre pleura toutes les larmes de son corps. En arrivant à bon port j’appris que plus de 30% des dissidents qui avaient essayés de franchir ce canal pour se battre pour la France, avait succombé en mer. Les autorités Française qui recrutaient les combattants et les combattantes à la Dominique pour partir en Angleterre, refusèrent de m’enrôler. Ils ne prenaient pas de femmes qui avaient des enfants.
Quand ils me dirent ça, j’avais une telle colère en moi, que même le volcan de la Soufrière ne gronda pas aussi violemment que je pestais quotidiennement contre eux.

Rendez-vous compte, jusqu’en 1945, je suis resté coincé sur cette île. Certes j’étais chez des gens très gentils, mais je comprenais à peine leur langue, et je ne pouvais plus faire machine arrière. Si je retournais en Guadeloupe, ma fille et moi, nous risquions de nous retrouver en prison.

Le narrateur (Eh Kri) Eva (Reprend)
De retour au pays, pendant des années, j’ai attendu d’avoir des nouvelles de mon frère, mais aucune lettre de lui ne nous parvenait. En désespoir de cause, en 1948, on écrivit à ce fameux général. Il nous répondit quelques temps plus tard. Dans sa lettre, il nous apprenait que le compagnon Augustin Hyppolite était mort en Héros. Qu’après la défaite, il s’était replié avec ses compagnons d’armes aux alentours de Dijon. Et quand les Allemands avaient envahirent cette zone, avec son régiment, il fut prisonnier…

Pour les Allemands, il n’était qu’un nègre, un sauvage. Il n’était pas un être humain. Même si dans son régiment, tous ses compagnons d’armes étaient blancs, ils refusèrent de le considérer comme un soldat, et ils décidèrent de le fusiller sans autres formes de procès. Ses compagnons ne purent rien faire pour lui et devant eux, il refusa qu’on lui bande les yeux. Devant les fusils, il chanta la Marseillaise jusqu’à ce son corps fut criblé de balles et n’ai plus un souffle de vie.

La lettre du Général, se terminait par une allocation financière versée à notre mère, car elle avait perdue un fils mort pour la France. Cette allocation elle la touchera jusqu’à sa mort qui aura lieu quand elle eut 98 ans. Elle lui permit de nourrir et d’aider une bonne partie de sa descendance…

Malheureusement dans cette famille pauvre, certains d’entre eux, oublièrent très vite leur frère, le soldat Augustin Hyppolite. Ils n’étaient pas intéressés par son courage, mais uniquement par l’argent qu’ils venaient chercher tout les mois à la poste au nom de leur mère qui ne savait ni lire, ni écrire. Ils prélevaient ce qu’ils considéraient comme leur part sans aucun scrupule… Pour ce qui est de la lettre signée de la main du Générale De gaule, elle disparue lamentablement dans une poubelle…

Eva, va se rassoir et Le narrateur reprend

Le narrateur (Eh Kri)
Un autre proverbe Africain dit : Il faut un jour pour oublier le bien qu’on vous a fait. Le public (Eh Kra) et 1000 ans pour oublier le mal qu’on vous a fait… Le narrateur (Eh Kri) Le public (Eh Kra)

Le narrateur (reprend)
Avant qu’elle ne soit baptisée « Guadeloupe » mon île était appelée par les indiens « Karukera » « L’îles aux belles eaux » Les premiers habitants venaient de deux entités culturels très différentes. Ils y avaient eu d’abord, les indiens Arawaks et les seconds étaient des Indiens caraïbes. Les premiers étaient un peuple pacifique et sédentaire qui vivait en grande partie de la pêche et de leurs champs.

Les seconds étaient venus en pirogue des rives de l’Orénoque au Venezuela pour conquérir toutes les îles qu’ils découvraient devant eux. C’était un peuple farouche et sanguinaire. Ils avaient pour coutumes d’exterminer tous les mâles en âges de procréer qu’ils rencontraient dans leurs conquêtes. Ils n’épargnèrent sur ses îles que les enfants, les femmes et les vieillards.

Les premiers blancs arrivèrent en 1493 dans de grands bateaux armés de puissants canons. Les indiens caraïbes acceptèrent tout d’abord, de commercer avec eux d’égal à égal. Par la suite, quand les Français voulurent conquérir l’île, ils se défendirent si farouchement, que la plus part d’entre eux furent exterminés. Leur instinct guerrier leur faisait préférer la mort à la servitude. Leurs vainqueurs remarquèrent alors une chose étrange. Les rares survivants parlaient pour les hommes le langage caraïbe et pour les femmes celui des Arawaks en plus de celui des indiens caraïbes.

Il n’y avait aucune différence physique entre eux, mais les femmes avaient conservé la langue de leurs racines. Elles ne transmettait celle-ci qu’uniquement à leurs enfants de sexe féminin. Elles le faisaient par défi. Pour elles, c’étaient un acte de résistance passive envers la domination masculine des bourreaux qui avaient tués les hommes de leurs origines.

Le Narrateur repart à sa place et un homme se lève d’origine Hindou (Param). Il a entre 18 et 25 ans.

L’Homme Hindou
Un proverbe Hindou dit : Belle boutique, fade nourriture.
En l’an de grâce1851, j’habitais en Inde. Plus précisément dans une région qui s’appelait Pondichéry et mon nom était : Param. Ca voulait dire dans ma langue « le meilleur » cela signifiait aussi que mes parents qui n’avaient rien, mirent un point d’honneur à me donner un prénom qui pourrait tout me donner.

Je me souviens qu’un jour, des blancs sont venus me voir dans mon village. Ils me promirent la lune, le soleil et toutes les planètes qu’il y avait autour. J’étais jeune, naïf et je ne savais ni lire, ni écrire. Je cru tout ce qu’ils me disaient sans me poser de questions.

Ils me racontèrent que j’irais dans un endroit magnifique, un endroit paradisiaque. On me vanta la douceur d’une vie où le travail était facile, car la terre était généreuse. Ils me firent miroiter tous les bonheurs que je pourrais trouver. Ils me rabâchèrent, qu’enfin, je gagnerais beaucoup d’argent… J’appartenais à une caste tellement pauvre, que je ne pouvais pas refuser une si belle offre. Sans vraiment savoir ce qui nous attendait, moi et mes crédules compagnons de croisière, dans ce lieu exsangue, nous avions mis des mois à franchir deux océans, pour enfin rejoindre la mer des Antilles.
Hommes et femmes, nous étions souvent enfermé dans la cale de ses bateaux. Le seul luxe qui nous était accordé, pendant cette traversé, c’était de monter sur le pont pour respirer un peu, et nous soulager.

J’étais tellement démuni, que je me disais, que quelque soit ce que me réservait le futur. Quelque soit les conditions de vie qu’on m’avait fait entrevoir, rien ne pouvait être pire que celles que je subissais dans mon pays d’origine.
Arrivé sur place, je constatais qu’on m’avait fait avaler des cobras venimeux qui étaient non seulement adultes, mais en plus, même pas morts. Toutes les belles paroles que ses nouveaux négriers par ruse m’avaient racontées, n’étaient que des chimères au goût de poison.

L’homme Hindou repart à sa place et le Narrateur revient au milieu de la scène.

Le narrateur
Nous étions après1848 et l’esclavage venait d’être aboli de haute lutte à l’assemblée nationale par un député du nom de Victor Schoelcher. Les esclaves se retrouvant libres, comme des couillons, ils refusèrent de travailler pour leurs anciens maîtres, puis de travailler tout court. Et cela, au début, même pour ce nourrir décemment… Ils croyaient naïvement qu’après des siècles de travail contraint, ils pouvaient vivre d’amour et de rhum.
Les propriétaires terriens décidèrent alors de faire venir une main d’œuvre encore moins chère que le coût d’un esclave. Un esclave, selon le code noir, après sa christianisation, devait être, loger, nourri, habillé, et tout comme ses maîtres, avoir le dimanche comme jour de congé.

Avec les nouveaux arrivants, les règles avaient complètements changés. Il suffisait de leur donner un salaire dérisoire, et leur demander en échange de travailler 7 jours sur 7 pour qu’ils s’exécutent. Ils n’étaient pas chrétiens et donc les propriétaires terriens n’avait aucune obligation de leur accorder le fameux jour du seigneur. Après c’était à eux de se débrouiller pour survivre. L’Inde était loin, très loin, beaucoup plus loin que l’Afrique. Et même s’il n’existait pas chez eux, un arbre de non retour, ils ne pouvaient plus envisager de repartir dans leur continent d’origine…

A cause de leur servilité à obéir aux ordres sans rechigner, ces gens venus de si loin, étaient coincés dans le dilemme que posait leur survie dans cette terre étrangère. Ils subiront involontairement une double peine. Ils connaîtront le racisme larvé des blancs, et celui plus visible et plus agressif des noirs. Ceux-ci leur reprochaient de voler leur gagne pain en cassant les prix de la main d’œuvre autochtone auprès des blancs.

Les anciens esclaves venaient de découvrir que pour manger, il fallait se remettre au travaille. Que maintenant, il y avait de la concurrence. Ils venaient d’entrée sans le savoir, dans les premiers pas de la mondialisation. A défaut de décolonisation, d’entrée dans le monde de la décolonisation…

Plus tard, cela ira mieux entre les nègres et les coulis, et le métissage recommença de plus belle avec en plus les nouveaux arrivants de ce continent. Après l’Europe, l’Afrique, les Amériques, ce fut l’Asie à travers l’Inde qui s’invita dans le concert des nouveaux sentiments amoureux guadeloupéen. Et pour la Martinique ce fut les pauvres d’Indochine qui venu servir eux aussi de main d’œuvre bon marché qui se métissèrent à leur tour.

Le narrateur (Eh Kri) Public et Tambouilleurs (Eh kra) chanson « Paix à son âme) Un garçon métis d’environ 18- 20 ans, cheveux Afro, se lève. Il ressemble au narrateur

Le garçon métis
Moi, c’est Serge. Quand ma mère est partit en France, je n’avais pas encore 2 ans. C’est sur qu’à cet âge, je ne m’en souviens pas vraiment. J’ai juste eu le sentiment d’avoir été une nouvelle fois abandonnée. Elle m’avait laissé à la sœur de sa mère qui venait de mourir. Comme c’était ma grande Tante, je l’appelais « Tantante » J’étais encore un bébé, mais un gros bébé. A ma naissance, je pesais 4kg 250. Pour me mettre au monde, ma mère avait eut 2 jours de galère. A la fin, comme je ne voulais pas sortir, une césarienne fut nécessaire.
J’étais bien dans son ventre et je sentais que pas mal d’ennui m’attendais dès que j’aurais franchit la douane de ce petit paradis.

Dès le départ, j’avais ressenti, que je n’étais pas franchement désiré. A mesure que mon fœtus se développait, elle saucissonnait son ventre pour que je passe inaperçu aux yeux de tout le monde. Elle était prête à nous étouffer pour que personne ne se rende compte de sa grossesse. Mais pas de chance pour elle, je n’étais pas décidé à lui faire ce plaisir et de temps en temps je lui balançais quelques coups de pieds bien sentis pour qu’elle desserre sa ceinture. Pour m’évacuer avant terme, elle se mit à faire pas mal de choses aussi débiles les unes que les autres. Par exemple : Enceinte de plus de trois mois, une copine à elle lui avait dit la chose suivante : Elle devait tout d’abord aller sur une plage à minuit, à la pleine lune descendante.

Qu’elle devait sauter dans l’eau sans s’arrêter pendant au moins 30 minutes, et qu’après mon fœtus se saborderait tout seul. Pendant cet exercice, je me m’amusais dans son ventre comme un petit fou. Elle et ses copines qui n’étaient pas sportives, avaient inventées l’aqua gym avant l’heure. Imaginez là à minuit sautant dans l’eau, les fesses à l’air et attendant un miracle. Après ça, j’ai eu droit aux plantes amères supposées obtenir un résultat plus concret.
Je reconnais que là, je n’ai pas aimé. Ca a donné un goût amer à mon liquide amniotique et engendrer un certain trouble dans mon placenta qui était devenu pendant un petit moment trouble et aigre-doux. Pour un fœtus qui aimait les douceurs, ce fut franchement désagréable.

Mais quand mon géniteur lui proposa la faiseuse d’anges, et qu’elle vit les aiguilles à tricoter, elle paniqua et elle prit ses jambes à son cou. Elle laissa tomber définitivement tout projet de m’euthanasier et se résigna à me voir naître…

Le narrateur (Eh Kri) Serge (reprend)
Conclusion de cette affaire, ça avait mal commencé pour moi, et la suite me donnera raison. Comme je ne pleurais pas, un monsieur blanc, que tout le monde appelait docteur, me flanqua une fessée jusqu’à temps que je hurle « Ouainnnnnnn » je vous traduis « Ca suffit, bordel, arrête de me taper mec ». Je ne l’avais jamais vu, et déjà, il me tabassait comme si j’étais un délinquant. Quand je me rappelle de ce moment, sur la vie de ma mère, j’ai pas aimé. Je me suis dit « Hou là, c’est quoi ce monde de fous furieux. »

Je venais d’arriver après 9 mois d’apnée, et je me faisais déjà agressé par un inconnu. Ca va, je suis en vie, pas besoin de me faire pleurer pour le savoir.
Tout de suite, je me suis dit « j’ai 2 minutes d’existences et j’ai pas intérêt à me faire remarquer en mal, sinon je vais me retrouver très vite à la case biberon prison.»

J’ai appris plus tard, que tous les bébés qui refusaient de pleurer à leur naissance, subissaient le même parcourt du combattant, pour savoir s’ils étaient en bonne santé. Mais bon, quand un docteur tout blanc, donne la fessée à un bébé tout blanc, celui-ci, ne se pose pas les mêmes questions. Pour lui, c’est normal, il en prendra d’autre avec un papa et une maman qui lui ressemble… Mais un bébé coloré comme moi, n’ayant pas de géniteur revendiquant sa paternité, dès le départ, je me suis méfié des étrangers.

Juste avant mon cinquième anniversaire, tantante m’apprit qu’on allait rejoindre ma mère en France. C’était une méga bonne nouvelle. J’étais heureux comme un petit créole au soleil, qui se dit qu’il va enfin rejoindre sa maman dans le plus beau pays du monde… Pour moi le plus beau pays du monde, c’était là ou se trouvait ma mère…
Le public (Ek Kra) Serge (reprend)
Quand je suis arrivé en métropole en novembre 1958, il faisait un froid de canard sibérien, mais heureusement pour moi, il venait du sud. Ben oui quoi, la France, n’était quand même pas aussi froide que la Sibérie du nord, nord.
Même si depuis 4 ans, il n’avait jamais autant gelé et que des gens mourraient de froid à Paris, comparé à la Sibérie où la température pouvait descendre à – 50°, Je n’étais qu’à demi congelé.

Le rhum n’étant pas la boisson la plus adaptée pour un enfant de presque 5 ans, quand j’ai retrouvé ma mère, on me donna ma boisson préféré. C’était un bon chocolat au lait chaud. Je reconnais, que je n’ai pas découvert l’ivresse du bonheur !!! Avec elle, il n’y eu pas de débordements de baisés ou d’étreintes intempestives. L’atmosphère entre ma mère et moi, resta bienveillante, courtoise, et neutre.

Sitôt vu, et sitôt elle avait disparu. Elle n’habitait même pas avec nous, et je me retrouvais de nouveau seul avec Tantante. Mais cette fois-ci, il y avait des blancs partout autour de moi. J’étais cerné par la blanchitude. Je sais, je sais, ce mot n’existe pas, mais bon, soyons réaliste. Je me retrouvais dans un autre monde. Dans la rue, dans le métro, à l’école, ils étaient partout…

Jusqu’à l’âge de 16 ans dans toutes les écoles où on m’avait casé, j’étais le seul basané. Tantante ne parlait pas très bien le Français et depuis toujours, nous parlions tout les deux en créole. Très vite mis à part ma couleur, je me retrouvais devant deux autres barrières. La langue Française et mon accent tropical. Ce n’était pas grave, j’avais un côté autiste en Guadeloupe. Je ne parlais quasiment pas et le silence ne me gênait pas.
Je ne pleurais que si j’avais faim, soif, ou quand j’avais des crises d’urticaires. Même quand mes couches étaient pleines de caca et que j’avais le cul en feu, je ne disais rien. Je sentais que j’étais déjà assez dans la merde et je ne tenais pas en rajouter.

Mon cher géniteur du nom de Serge Lebrere, était d’une radinerie congénitale. Elle devait remonter à très loin, puisque ses parents ne l’étaient absolument pas. Un jour ma mère excédée par son comportement qui le poussait à jouer financièrement les absents, me laissa sur le comptoir de son prospère garage. Je me suis donc retrouvé pendant des heures, au milieu d’un tas de mecs en salopettes tachées de cambouis qui se demandaient ce qu’un bébé de 8 mois faisait là. Je n’avais pas encore faim et j’attendais tranquillement les yeux grands ouverts sous cette chaleur, la suite des évènements. Dans ce monde de semi ténèbres, j’espérais que quelqu’un que je connaissais allait revenir me rechercher. Quand j’eus faim, je me mis à pleurer, d’abord doucement, et comme il ne se passait rien, à hurler…

Autour de moi, je sentis une certaine panique parmi tous les hommes qui étaient là. Personne ne savait quoi faire de moi, mon géniteur y compris.
En fin d’après midi, il arriva à retrouver ma mère pour la supplier de venir me chercher.

Il lui donna de l’argent pour acheter du lait chez le pharmacien, car depuis ma naissance, elle avait toujours refusé de me nourrir aux seins. Pour que mon ventre ne crie plus famine, avant de repartir, elle prépara vite fait mon biberon, et elle me le donna sans aucun état d’âme.

A 2 ans je connaissais parfaitement le stress silencieux de ceux qui ne sont pas désiré. Aucun sourire ne se dégageait de mon visage. J’étais un petit être remplit de stoïcisme. J’observais tout ce qu’il se passait autour de moi sans rien montrer de mes sentiments. On me prenait, on me mettait là : Pas de soucis. On me reprenait, on me mettait là-bas : Pas de soucis. On me déplaçait ailleurs, pas de problème. J’étais aussi relax qu’un basketteur pro des Harlem globe trotter avant un match contre l’équipe de Juvisy.

Je passais de bras en bras, de place en place et de ma part, pas un mot, pas un cri de rébellion. Pas une larmichette ne sortait de mes yeux. A des moments, je sentais qu’on ne savait pas trop quoi faire de moi et je priais pour qu’on ne m’oublie pas dans un coin quelque part.

Le narrateur (Eh Kri) Serge (reprend)
En France, quand je me suis rendu compte, que je resterais comme en Guadeloupe seul avec tantante, j’ai été malheureux comme un petit Antillais sous la neige.
Elle dépassait parfois sur le sol les 15 cm, et engourdissait de froid mes petits pieds. Ma couleur bien bronzée et mes origines habituées à la chaleur, ne m’avantageaient pas vraiment dans ce genre de climat. On habitait dans la rue Camou, au dernier étage sous les toits, dans une chambre de bonne de 8m2. Cette rue se trouvait dans le 7ème arrondissement et on pouvait voir de notre petite fenêtre la tour Eiffel.

Juste en face de notre porte, il y avait une école communale et ma mère m’y inscrivit. Dès mon arrivé, les maitresses m’apprirent à remplir un questionnaire simple et passe-partout. Puisque je ne portais pas le nom de mon père, il ne fallait pas écrire « père absent » ou « pas là » ou je ne sais pas, mais « néant ». Pour ma mère, son nom de jeune fille qui était le mien. Et, pour profession, il fallait écrire « inconnue » pour les deux, car je ne savais pas ce qu’elle faisait pour vivre.

Plus tard, à chaque rentrée des classes et dans tous les établissements que je fréquenterais, je remplissais le même questionnaire qui concernait mon pédigrée. Mon père, c’était le Saint-Esprit, ma mère l’Immaculée Conception, ils vivaient de l’air du temps, moi de miracles. Et qu’en fait mon prénom, c’était Jésus…

Le public (Eh Kra) Serge (reprend)
En 4 mois, j’avais perdu mon accent de petit nègre. Je parlais et comprenais parfaitement la langue de Molière. De petit autiste créole, j’étais devenu un petit garçon Parisien surdoué. Je posais des tas de questions. Je voulais tout savoir. Je dessinais, j’écrivais, je m’éclatais avec notre petite radio, en écoutant toutes sortes de musique. Avec un œil infaillible, je reproduisais à la perfection les personnages de bandes dessinées que je lisais. J’avais décidé que plus tard, je serais un autartiste. Je sais ce mot n’existe pas non plus…

Le narrateur (Eh Kri) Serge (reprend)
Il y avait quand même un gros problème. Quand je levais la main pour poser une question, les institutrices me disaient souvent de descendre de mon cocotier. Quand je voulais répondre avant tout le monde à une question qu’elles avaient posée, elles me disaient de retourner dans mes champs de bananes. Je pigeais vite les leçons, et ça ne plaisait pas à tout le monde. L’une d’entre elle, un matin, pour me faire taire me colla sur la bouche du sparadrap épaisseur XXL. Le sparadrap de l’époque était fait avec de la colle super forte. Il vous arrachait littéralement la peau quand on l’enlevait. Plusieurs heures plus tard, quand ce fut le cas, mes lèvres étaient brulées au 3ème degrés.

Elles se mirent rapidement à gonfler et pendant 3 semaines, je ne pouvais diner que des soupes ou prendre mon petit déjeuné avec une paille.
Le sucré et le salé ne pouvaient entrée en contact avec elles. Ma température monta en ce printemps à 40° degrés et je tremblais comme une feuille au vent d’automne. Ma mère débarqua dans l’école et elle eut des explications orageuses avec la directrice.

Elle en vint aux mains avec l’institutrice qui m’avait fait ça, et je fus viré de l’école. Ca serait maintenant, elle serait en prison pour maltraitance et la directrice serait au chôme même pas dut pour faute grave.

Le public (Eh Kra) le petit garçon (reprend)
La moralité de cet aparté dans ma vie sera la suivante. Pour quelqu’un d’innocent, je subissais, de fait, une injustice flagrante. Elle se matérialisa par une quadruple peine à mon égard. Je fus renvoyé de l’école. Refourgué dans un pensionnat de jésuites à Meudon où les règles étaient drastiques. Je ne sortirais plus que tous les quinze jours pour retrouver Tantante.
Et pendant des années, je n’allais voir ma mère que tous les trois mois. A la même époque, elle avait décidé de refaire sa vie sans moi dans un autre pays. L’Allemagne.

Le narrateur (Eh Kri) Serge (reprend)
Depuis mon arrivé en France, en plus de l’hospitalité bienveillante des membres de l’enseignement à mon égard, mes petits camarades n’étaient pas en reste.
Ils me donnaient des qualificatifs tantôt masculins, tantôt féminins.
J’étais soit un sale nègre, une négresse à plateau, un bamboula, un ptit suisse, un y’a bon Banania, un cirage noir, un kiwi comme la marque de cirage, une Blanchette, un mal blanchi, une face de craie, ou carrément « blanche neige.» Pour ce diminutif, je n’avait pas de sexe bien définit. Résultat, je me battais tout le temps. L’école était devenu pour moi, un immense ring.

J’avais la niaque que mes ancêtres Celtes et noirs m’avaient légués. Je me battais à la moindre insulte. J’étais vivace comme un Cassius Clay aux jeux olympiques. Je ne perdais aucun combat et je n’étais jamais blessé… Pas même un œil au beurre noir… Tous les quinze jours, quand je revenais de pension, Tantante passait une partie de son temps à raccommoder mes vêtements déchirés.

Je ne montrais pas mes sentiments, mais je regrettais mon île. En Guadeloupe au moins, même si je n’étais pas trop aimé, j’avais la paix et j’avais chaud. Je ne subissais pas d’insultes racistes. Là-bas, on était quasiment tous des bâtards… Plus ou moins clair, plus ou moins foncé, mais des bâtards quand même. La d’où je venais, l’automne, l’hiver, le printemps n’existaient pas. Je ne claquais pas des dents au moindre frima des changement de températures qui revenait tout les ans.
Nous étions en 1963 et parfois, quand je grelottais sous la neige, je me demandais pourquoi, on m’avait fait venir dans ce pays bizarre où tout ce qui était blanc me faisait souffrir. A 12 ans, je pouvais classer les blancs en deux catégories.

Ceux et celles qui en faisaient trop, par une gentillesse qui frôlait un paternalisme colonial. Ils touchaient mon crane rasée en me disant que j’étais mignon… Familles, femmes, hommes, je détestais qu’on me touche. Les femmes me demandaient souvent d’où je venais. Je répondais de La Guadeloupe. Elles continuaient en me demandant où c’était. Je répondais. Dans la mer des Antilles… Et elles, c’est où en Afrique ??? Nous étions en 1965 et ces gens étaient complètement incultes. Même si cela m’énervait, je leur répondais poliment que la Guadeloupe était une île entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du sud.

La deuxième catégorie au quotidien, était la plus nombreuse. Elle me faisait sentir que je n’avais pas ma place parmi eux… Je ne comprenais pas pourquoi, il était écrit sur tout les monuments « Liberté, Egalité, Fraternité » J’avais l’impression que cela s’adressait à tout ce qui était blanc, mais pas à moi, même si mes deux grands-pères eux l’étaient.

Le public (Eh Kra) Serge (reprend)
Dans les rues de Paris, on rencontrait un métis ou un noir, tout les 2, 3 ou 4 mois. En mai 1968, j’avais 15 ans et je ne voyais pas un seul bronzé sur les barricades. Ne me sentant pas concerné par les conneries que les blancs faisaient entre eux, je me retranchais dans un poste d’observateur. Je voyais des pavés voler, des bombes lacrymogènes explosées. Des étudiants qui gueulaient dans des mégaphones (Tambours) « Sous les pavés la plage. (Eh Kri) Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront pas le printemps d’éclore. (Eh Kra) Explorons le hasard. (Eh Kri) Souriez, ça ne coûte rien. (Eh Kra) Un homme n’est pas stupide ou intelligent, il est libre ou ne l’est pas.» (Eh Kri)
Faîtes l’amour, pas la guerre (Eh Kra) Il est interdit d’interdire (Eh Kri) Elections piège à cons (Eh Kra).

Le premier ministre de l’époque était Georges Pompidou. Ils avaient détourné les paroles de la chanson « le petit navire » Et ça donnait ça… « Il était un premier ministre qui s’appelait Pom, Pom, Pompidou ohé, ohé. Ohé, ohé Pompidou, Pompidou navigue sur nos sous. Ohé, ohé Pompidou vole tous nos sous. (Serge) au public (Je vois que ça rappelle quelque chose, même au plus jeune ? Ca vous parle ? Ah oui c’est encore d’actualité ? Les premiers ministres font toujours ça ?

J’ai aimé cette époque et ce genre de poésie, elle était imaginative et pleine d’espoir. Il y eut je crois à peine 2 manifestants tuer par accidents…

Par contre je n’ai pas aimé quand j’appris qu’en 1967, encore pour un problème de racisme, d’humiliation et de liberté, les Guadeloupéens se rebellèrent et se battirent contre l’ordre établit. Ils subirent les balles de l’armée… Pourtant même si c’était le général qui était au pouvoir à ce moment là, contrairement à la métropole, les armes parlèrent. Dans les chiffres de l’état, il y eu moins d’une dizaine de mort… Mais petit problème les familles ne revirent pas, plus d’une centaine des membres de leur famille. Cela me rappelais les actualités Française à la télé où je voyais des reportages sur les USA. Elles montraient des émeutes où les noirs se battaient pour revendiquer leurs droits civiques. Par contre, il n’y avait pas un mot sur celles qui avaient lieus en Guadeloupe, et qui étaient tout autant revendicatives pour nos droits et raciales…

Un jour, je me suis assis aux bords de l’oued Parisien. J’ai imploré l’esprit crocodile, mais celui-ci c’est est resté a brillé par son absence. J’ai demandé à Dieu de m’aider, et je n’ai entendu que son silence. J’ai parlé aux ancêtres à hautes voix, mais ils ne m’ont pas répondus.

Par contre, peut de temps après, des policiers sont apparus devant moi, et ils m’ont demandé mes papiers… Le narrateur (Eh Kri) Alors j’ai continué à grandir, en espérant qu’à l’avenir, je ne m’en sorte pas trop mal… Le public (Eh Kra)

Tous les acteurs et actrices se lèvent se mettent de chaque côté du Narrateur et tout le monde se prend par la main.

Le Narrateur
Les personnages que vous venez de voir et d’entendre dans ce conte, à part, I Cho le vendeur de journaux, sont en fait mes ancêtres. Ma mère m’a raconté l’histoire d’I Cho, car elle avait été l’un des témoins de ce massacre. Il s’était déroulé devant ses yeux à sa sortit d’école quand elle était encore adolescente…

Mis à part cela, je suis donc Serge. Je suis la résultante de tous ses croisements. Pauvres, riches, bon, mauvais, ils se sont mélangés parfois pour le pire ou parfois pour le meilleur. Beaucoup d’entre eux, se feront remarquer par leur courage, et d’autres malheureusement pour d’autres motifs. Sous prétexte d’embellir le passé, je n’ai pas le droit d’en renier certains. Dans tout les cas, je dois tous les accepter comme ils ont été. Je suppose que ce mélange vous a paru, atypique, détonant et parfois déroutant…

Ce soir, je vous apprends que je suis percussionniste. (Le narrateur va taper en rythme sur une paire de tomba qui est sur la scène) Que je chante, que je danse, que je raconte et que je transmets l’histoire des temps longtemps pour qu’ils ne soient pas oubliés. De cette saga familiale qui a des centaines d’années, Je suis le seul à faire cela…

Mais, mes amis, vous qui êtes là ce soir, vous semblez un peu surpris par ce récit, et vous avez raison. Même moi, je suis étonné d’avoir réussit à naître et d’être là, à dialoguer avec vous.

Etonné, je le suis encore, par ma grand-mère maternelle. Cette fameuse Eva qui surmonta de nuit les immenses vagues du canal de la Dominique pour se battre contre un ennemi dont elle ne connaissait rien, si ce n’était qu’il était blond et qu’elle avait deviné que c’était le mal absolu. Qu’elle m’aima avec tout le réservoir de la force de l’amour qui était en elle, malgré sa grave maladie.

Un proverbe dit : La force ? C’est d’être imperméable aux évènements et cela, quoi qu’il arrive… Le narrateur toujours (Eh Kri)
Déçu ? Bien sur par ce grand-père gendarme, qui a été d’une cruauté et d’un manque de compassion totale envers les hommes et les femmes qui étaient tout comme lui des Français à part entière.

Si cet homme après son retour en métropole a gardé ce genre d’état d’esprit, je n’ose imaginer son comportement de 1939 à 1945.
Les juifs, les résistants, tout ceux qui ne voulaient pas coopérer avec le gouvernement pseudo légal de Pétain, on dut en bavé sous ses outrances. Mais allez, soyons optimistes. Osons espérer qu’après son séjour aux Antilles, il changea du tout au tout. Qu’il devint pourquoi pas un farouche résistant ? Qu’il sauva des vies au péril de la sienne ?
Qu’il devint exemplaire de droiture et de probité ? Ne dit-on pas que l’espoir fait vivre ??? Mais, à son sujet, personnellement, j’en doute…
Le public (Eh Kra) Le narrateur (reprend)
On m’a raconté que ma grand-mère paternelle m’aima elle aussi plus que tout au monde, car j’étais aussi son premier petit fils. Après ma naissance, mon géniteur ne voulant pas de moi, elle décida avec l’accord de son mari et des avocats qu’elle avait consultés de faire quelque chose d’inhabituel pour l’époque. Ils voulaient me reconnaître officiellement et faire de moi un de leur fils. Elle adorait le prénom de Serge. Ce prénom signifiait « celui qui est bénit, celui qui porte chance » Elle l’avait donné à mon géniteur, mais elle avait été très déçu par lui. Comme elle était opiniâtre et ne lâchait rien, elle arriva à convaincre ma mère de m’appeler Serge…

Mon grand-père paternel, n’était autre que le blanc Matignon dont je vous ai raconté l’histoire plus tôt. Il ne parlait pas beaucoup, mais quand il me voyait et qu’il touchait la bosse qui formait l’arrière de mon crâne, il ne se lassait pas de dire. « Ca, c’est un vrai Lebrère… Un vrai Lebrère à le crane qui à cette forme là. » Après avoir dis ça, il caressait le sien avec un sourire entendu.

Le narrateur (Eh Kri)
Ma mère en parla à ma mamie Eva, mais celle si n’était pas du tout d’accord au sujet de ce projet. Elle supplia sa fille de ne pas me donner à la famille de mon père. Pour elle, même si nous étions pauvre et que eux étaient riches, elle devait m’élever. En croisant discrètement les doigts derrière son dos, ma mère lui répondit qu’elle ne me donnerait pas. Mais dans son fort intérieur, elle était bien décidé à me confier à sa belle famille. Elle n’eut pas le temps de mettre son projet à exécution.
Comme une malédiction programmée, la mère de mon père mourût quatre mois avant sa propre mère, et monsieur mon père, ne devint jamais mon frère.

Le public (Eh Kra) le narrateur (reprend)
Je n’eus donc pas l’occasion et le plaisir en grandissant de l’appeler ironiquement monsieur mon frère. Pour couronner le tout, nous aurions eu le même prénom et le même nom de famille.

A l’époque, ce personnage imbuvable a dut être sacrément soulagé. Pour lui, tout au long de sa vie, je ne serais rien. A si, peut-être juste un instant où j’espère il a prit 3 minutes de plaisir.

Le narrateur (Eh Kri)
Le chef de gendarmerie ??? C’était mon grand-père maternel.
Parfois je me demande si avec un ancêtre pareil, je mérite de recevoir un soupçon d’amour… J’ai surement rencontré dans ma vie des femmes qui m’ont sincèrement aimées…

Oui, en réfléchissant, j’ai rencontré des femmes qui m’ont sincèrement aimées. A l’époque, et je le regrette maintenant, je n’ai trouvé qu’une réponse à leurs demandes quand elles me parlaient de mon cœur de pierre. C’était celle de Musset dans « On ne badine pas avec l’amour » : Tout cet amour que vous me demandez, où le trouverais-je ???

Comme vous le voyez, si je me réfère à tous les continents dont je suis issu, mes gènes, sont épars et multiples. Maintenant la question qui se pose est la suivante.
Les gènes invisibles de l’inconscient issus du passé, font-ils parties oui ou non, de l’individu moderne que je suis devenu. Font-ils parties dorénavant de l’homme que je suis ? Ont-ils laissés des séquelles en moi ? Vaste question…

Mes ancêtres ont voyagé dans des bateaux qui pour certains les conduisirent vers la liberté de s’enrichir. La liberté de rêver à une vie meilleur. Pour d’autres sur les chemins de l’esclavage et de tout ce qui en découlera de néfaste. Cela a contribué à faire de moi un être parfois sombre, mais parfois lumineux dans sa résilience me dit-on.

Quelqu’un qui, comme le roseau de la fable, plie mais ne rompt pas, quoi qu’il arrive. Quelqu’un qui navigue parfois avec des sourires sur son visage, des rires salvateurs et même des fous rires contagieux… Mais quelqu’un, où dans le fond de son cœur, coule souvent une rivière de larmes sèches invisibles à vos yeux.

Les joueurs de tambours (Eh Kri) Le public chuchotant (Eh Kra)
Un proverbe chinois dit !!! Hep, hep, hep !!! Stop… Je vous rassure. Je vois que parmi vous certains se pose une nouvelle question. Cela aurait pu, mais je n’ai pas d’origines chinoises et donc pas d’ancêtres originaires de cet immense pays.

Ceci dit, rien ne m’empêche d’aimer les proverbes chinois.
Donc je reprends cette citation qui pour moi est pleine de sagesse.

Tous les acteurs et les actrices prononcent un ou deux mots du proverbe, laissant le Narrateur dire le dernier mot.
Les acteurs et le narrateur « Oublier ses ancêtres, c’est être un ruisseau sans source, un arbre sans racines. » le narrateur (Eh Kri) le public (Eh Kra)

Le narrateur continu.
Le 27 avril 1848, l’esclavage sera définitivement abolit en France et dans les territoires. En 2018, cela fera 170 ans que pour nous leurs descendants, le mot « liberté » doit avoir un sens. Que cet héritage doit être assumé sans cris et sans violence. Aucun contemporain, ne devrait être responsable des actes passés en temps longtemps.

Donc je vais citer la bible et vous dire : Ne vous sentez jamais coupable ou responsable d’actes que vous n’avez pas commis… Personne au monde n’a le droit de vous reprocher les pêchés de vos pères…

Le narrateur (Eh Kri) le public (Eh Kra) Le narrateur
Et n’oubliez jamais ceci mes amis : Les larmes n’ont pas de couleurs, elles n’ont que des douleurs. Ne pas oublier le passé, c’est se battre pour que le présent soit différent. Se battre dans le présent, c’est concevoir le futur autrement pour les enfants à venir. Ainsi, ils deviendront les adultes responsables de demain… Devenez des distributeurs de rêves et il n’existera plus sur terre des hommes avec, ou sans couleur… Il n’y aura plus que des hommes aux couleurs de l’arc en ciel… Dites-vous, qu’il n’est jamais trop tard pour réaliser les rêves que vos ancêtres vous envoies la nuit. Accomplissez de votre vivant, ce qu’ils n’ont pus faire de leur vivant.

Musique Gwo Ka, et danse sur une chanson avec la chorégraphie des temps longtemps…

FIN

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