« FANFARAÏ publie son troisième album, le plus raï de ses disques, aboutissement de deux ans de maturation pour en extraire un son singulier, sa marque de fabrique particulière. C’est actuellement le plus grand groupe du genre dans le monde, par son nombre. Douze garçons, une équipe de foot qui change son nom en FANFARAÏ BIG BAND, assumant ainsi sa multitude – qui ne l’a pas empêché de tourner dans plus de 20 pays sur 3 continents – et manifestant aussi son penchant pour le jazz.
Mutation cuivrée de musique de rue algérienne, FANFARAÏ est né en région parisienne en 2005. Les origines de ses membres courent de la Bretagne jusqu’à la rive sud-ouest de la Méditerranée, un combo cosmopolite, bien français donc. La bande est formée de musiciens multi- instrumentistes que passionne, entre autres, le raï, ce rhythm’n’blues fripon et libertin enfanté essentiellement et traditionnellement par les femmes dans les plaines occidentales d’Algérie et orientales du Maroc, il y a près d’un siècle.
Raï signifie littéralement « opinion », mais cela veut dire dans ce genre « destin, fatalité, sort », mauvais en l’occurrence. Il est, à l’origine, l’expression d’un style musical socialement engagé, moralement subversif, et longtemps proscrit des médias algériens, malgré sa grande popularité. Son langage cru, ses mots de la rue, qui exaltent l’amour éperdu, le désir charnel, la liberté radicale, constituent de fait un rejet du conservatisme desséchant, de l’obscurantisme réducteur. Les artistes de raï ont subi les pires menaces des islamistes durant la sanglante décennie 1990 en Algérie. Sa plus grande star de l’époque, Cheb Hasni, a été assassinée en septembre 1994, dans sa rue natale à Oran, et bien d’autres vedettes ont été forcées à l’exil.
Après ses premières exhibitions officielles en France, dans le monde occidental donc, en 1986, à la Maison de la culture de Bobigny puis à La Villette, après ses années fastes mondialisées par Khaled et Cheb Mami dans les années 1990 et au début de la première décennie de l’ère 2000, le raï, ce rock maghrébin migrant semblait mort, refoulé de la scène internationale. Comme s’il était reconduit aux frontières de son bled d’origine par nombre de décideurs culturels, de médias ethnocentristes de France, les oreilles autistes aux rythmes du monde, préjugeant que le raï n’a pas, plus, à avoir lieu dans l’Hexagone. Le raï, venu d’ailleurs, est depuis des lustres une musique d’ici, aussi, depuis plus de trente ans. Il reste, malgré une génération de présence française, souvent méconnu et souffre d’un manque de considération.
Ce blues festif, éclos en Algérie principalement, n’a plus de bornage. Il est devenu une attitude, un comportement, une philosophie, comme tant d’autres musiques universelles, qu’elles soient étiquetées jazz, blues, rock, pop, reggae, rumba, salsa, funk. Culture hybride, le raï se nourrit également de toutes ces mélodies, ouvert à tous les vents du large, à toutes les influences du monde, une largeur culturelle favorisée par ses racines multiples, maghrébines et occidentales.
FANFARAÏ dit « non » ; le raï est encore vivant. Il se compose, se joue et s’écoute partout en France, encore et toujours. C’est toute la proclamation, le manifeste de ce nouvel album.” (Lire plus) Bouziane Daoudi