Pierre Henry nous a quittés RIP

Pierre Henry

Réaction d’Anne Hidalgo au décès
du compositeur Pierre Henry

« J’ai appris avec tristesse le décès de Pierre Henry, compositeur qui restera dans notre mémoire collective, notamment pour sa Messe pour le Temps présent et le remarquable Psyché Rock.

Il était installé à Paris depuis son entrée au conservatoire en 1937, année de ses 10 ans. En 1995, il se vit décerner un Grand Prix de la Ville de Paris.

Il a été l’un des fondateurs de la musique concrète avec son ami Pierre Schaeffer. Il n’a eu de cesse de poursuivre ses recherches musicales et a eu un studio en propre à partir de 1959, installé encore aujourd’hui à son domicile du 12e arrondissement.

La Ville de Paris l’a accompagné à partir de 1990. Il y a créé à foison, plus de 50 pièces. Il a inspiré des générations de musiciens et un disque est paru en 1997 de reprises de musiciens électroniques français et internationaux.

Il ouvrait avec plaisir son studio pour des soirées singulières. Le Festival Paris Quartier d’été a ainsi pu proposer au public parisien, à plusieurs reprises, des représentations collectives tout en étant intimes.

Ce travail de recherche s’est donné à voir magistralement dans la collaboration qu’il a eu avec le chorégraphe Maurice Béjart, avec la 1ère de Messe pour le temps présent, présentée à Avignon dans la Cour d’Honneur en 1967, qui marque leur travail en commun démarré dès 1950 et une rupture esthétique majeure.

Parallèlement à sa création musicale, Pierre Henry a élaboré pendant plus de vingt ans un langage plastique singulier et unique. Ses « peintures concrètes », accrochées par lui-même sur tous les murs de sa maison, représentent la quintessence de son univers. En 2013, Pierre Henry a exposé ses œuvres au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris

Au nom des Parisiens comme en mon nom personnel, je souhaite rendre hommage à cet homme exceptionnel, qui marquera à tout jamais notre culture commune. J’adresse également mes plus sincères condoléances à ses proches. »

 

Anne Hidalgo
Maire de Paris

Pierre_Henry

Pierre Henry est un compositeur français de musique électroacoustique né le  à Paris1 et mort le 2. Il est considéré comme l’un des pères de la musique électroacoustique. Il est connu du grand public pour le morceau Psyché Rock de la suite de danses Messe pour le temps présent3. Ce morceau, plus accessible au grand public de par sa partie instrumentale rock, n’est toutefois pas forcément représentatif de son œuvre musicale, ou de son approche musicale en général.

Biographie[modifier | modifier le code]

Enfance et formation musicale[modifier | modifier le code]

Après une enfance passée à la campagne, Pierre Henry entra au Conservatoire de Paris à l’âge de 10 ans4 (en 1937), pour y faire des études de percussions et d’écriture. Il y suivit l’enseignement de Nadia Boulanger. C’est également un très bon pianiste.

Schaeffer et le GRMC[modifier | modifier le code]

C’est en 1946 qu’il rencontra Pierre Schaeffer dans les studios de la Radiodiffusion-télévision française (RTF) dans ce qui s’appelait alors le Club d’essai5. C’est à la suite de la création d’une bande son pour un film traitant de l’invisible que Pierre Henry est invité par Pierre Schaeffer à venir auditionner. De cette rencontre va naître Symphonie pour un homme seul (1950), œuvre fondatrice de la musique concrète. Une grande amitié va naître de cette rencontre, et Pierre Henry sera embauché dans les studios de la RTF; il devient chef des travaux du Groupe de recherche sur les musiques concrètes (GRMC)6 fondé en 19515, rebaptisé GRM en 1958. C’est en 1953, au Festival de Donaueschingen, qu’est donné Orphée, le premier opéra concret5 écrit par Pierre Schaeffer et Pierre Henry en 19517.

L’indépendance[modifier | modifier le code]

En 1958, à la suite de désaccords personnels, administratifs et esthétiques, Pierre Henry quitta les studios de la RTF. En 1959, il crée le premier studio d’enregistrement indépendant en France, APSOME (Applications de Procédés Sonores en Musique Electroacoustique)8. Ce studio privé consacré aux musiques électroacoustiques, essentiellement équipé de matériel professionnel provenant d’Allemagne, était dans un premier temps situé rue Cardinet, puis, à partir de 1966, à Saint-Germain-des-Prés9.

En 1982, il crée un second studio de recherche musicale, Son/Ré10. Ce studio, situé dans une ruelle du douzième arrondissement de Paris11, obtient le soutien du ministère de la Culture12 dès 1982, et celui de la Ville de Paris en 199011.

La collaboration avec Maurice Béjart[modifier | modifier le code]

À la fin de l’année 1949 débute la collaboration entre Pierre Henry et le chorégraphe Maurice Béjart11. C’est dans le cadre de cette collaboration que Pierre Henry réalisa son œuvre la plus connue du grand public : Messe pour le temps présent (qu’il a coécrite avec Michel Colombier), comprenant le tube Psyché Rock (ce morceau a entre autres influencé le générique de Futurama, série américaine). La première de la Messe pour le temps présent, ballet de Maurice Béjart, eut lieu au festival d’Avignon en 196713.

En 1975, avec la complicité de Bernard Bonnier14, Pierre Henry monte Futuristie, manifestation sonore et visuelle en hommage à Luigi Russolo et à son manifeste L’Art des bruits9. Trois représentations ont lieu les 16, 17 et 18 octobre au Palais de Chaillot. Aux créations sonores de Pierre Henry s’ajoutaient une création cinématographique de Monika et Bernd Hollmann ainsi que la performance du récitant Alain Louafi15.

Il a créé des œuvres acoustiques marquantes, telles Voyage (d’après le Livre des Morts tibétain), la Messe de Liverpool, l’Apocalypse de Jean, les Fragments pour Artaud, ou encore la Tour de Babel.

En 1997, pour les soixante-dix ans du compositeur, est sortie la compilation Métamorphose : Messe pour le temps présent, regroupant des remix par des artistes de musique électronique tels que Fatboy SlimColdcutSaint Germain ou encore Dimitri From Paris16.

En 2007, Pierre Henry décide de confier la totalité de ses œuvres à la Bibliothèque nationale de France17.

Sa musique[modifier | modifier le code]

Pierre Henry le .

« Pierre Henry, à mi-chemin de l’attitude des compositeurs et de celle de Pierre Schaeffer sur le plan de la méthode, a su trouver un langage tout à la fois personnel et composite. »

— Jean-Étienne MarieEncyclopédie de la Pléiade, Histoire de la Musique II du xviiie siècle à nos jours, Éditions Gallimard, Paris, 1963, chap. Musique Électronique, Expérimentale et Concrète, p.1448

On ne connaît pas beaucoup d’influences à la musique de Pierre Henry, hormis ses maîtres Nadia BoulangerOlivier Messiaen et Félix Passeronne ; il évoque parfois des opéras de Richard Wagner, ou les bandes son des débuts du cinéma parlant18. Pierre Henry préfère citer comme références des sons élémentaires comme l’orage, le vent, le train, les animaux, souvenirs sonores de son enfance11.

En avril 1950, il rédige un court manifeste intitulé : Pour penser à une nouvelle musique, dans lequel il décrit sa conception de la musique et ce vers quoi elle doit tendre :

« Il faut prendre immédiatement une direction qui mène à l’organique pur. À ce point de vue, la musique a été beaucoup moins loin que la poésie ou la peinture. Elle n’a pas encore osé se détruire elle-même pour vivre. Pour vivre plus fort comme le fait tout phénomène vraiment vivant. »

Dans son Journal de mes sons, Pierre Henry se distingue non sans humour des compositeurs au sens classique du terme :

« Les compositeurs travaillent avec des sons à tout faire, l’équivalent des notes de musique. Moi, je n’ai pas de notes. Je n’ai jamais aimé les notes. Il me faut des qualités, des rapports, des formes, des actions, des personnages, des matières, des unités, des mouvements. /…/ C’est insuffisant, les notes. Ça n’est rien. Ça se perd. C’est bête. On ne peut pas travailler avec les notes. Les notes, c’est bon pour les compositeurs. »

Derrière le côté saugrenu que peut avoir cette déclaration, se cache en vérité une attitude plus profonde vis-à-vis de la démarche artistique de son auteur. Ainsi, même lorsqu’il fait des emprunts à la musique classique, comme c’est le cas par exemple dans Phrases de quatuor, le but de Pierre Henry n’est pas de citer un autre auteur (comme on le fait parfois par hommage, voire par manque d’imagination), mais de tenter de nous faire entendre la musique classique comme objet sonore plutôt que comme langage musical : en plongeant un fragment de musique classique dans un contexte plus bruitiste, il nous incite à retrouver une perception vierge de tout bagage culturel préétabli, comme si nous entendions des sons instrumentaux pour la première fois.

Œuvres[modifier | modifier le code]

Symphonie pour un homme seul (1949-50) (de Pierre Schaeffer en collaboration avec Pierre Henry, chorégraphiée par Maurice Béjart en 1955).

  • Concerto des ambiguïtés (1950)
  • Orphée (1951-53), opéra expérimental (de Pierre Schaeffer en collaboration avec Pierre Henry, chorégraphié par Maurice Béjart).
  • Microphones bien tempérés (1950-52)
  • Musique sans titre (1951)
  • Spatiodynamisme (1954)
  • La Reine Verte (1959), ballet de Maurice Béjart.
  • Spirale (1955)
  • Haut voltage (1956), ballet de Maurice Béjart.
  • Coexistence (1958)
  • Investigations (1959), ballet de Maurice Béjart.
  • Entité (1959)
  • La Noire à soixante (1961)
  • Le Voyage, d’après Le livre des morts tibétain (1962).
  • Variations pour une porte et un soupir (1963), ballet.
  • Messe pour le temps présent (1967), en collaboration avec Michel Colombier, commande de Maurice Béjart.
  • Messe de Liverpool (1967-70)
  • Apocalypse de Jean (inspiré par l’Apocalypse de Jean) (1968).
  • Ceremony (1969) (en collaboration avec Spooky Tooth, groupe de musique anglais)
  • Fragments pour Artaud (1970)
  • Gymkhana (1970)
  • 2e Symphonie pour 16 groupes de haut-parleurs (1972)
  • Machine-Danse (1973)
  • Prisme (1973).
  • Futuristie I (1975), spectacle musical électroacoustique en hommage à Luigi Russolo.
  • Dieu, d’après l’œuvre de Victor Hugo (1977)
  • Dixième symphonie, hommage à Ludwig van Beethoven (1979).
  • Les Noces chymiques, rituel féerique en 12 journées (1980).
  • Pierres réfléchies d’après Roger Caillois (1982)
  • Paradis perdu créé avec Urban Sax (1982)
  • La Ville (1984)
  • Hugosymphonie, Les 4 éléments, spectacle en quatre parties (1985)
  • La Dixième Symphonie De Beethoven (1986)
  • Le Livre des morts égyptien (1986-88, Paris, Musée du Louvre, 1990).
  • Intérieur / Extérieur (1997)
  • Une tour de Babel (1998)
  • Remix de la Dixième Symphonie (1998)
  • Le grand mix apparitions concertées, Confort Moderne, 2000
  • Phrases de quatuor (2000)
  • Dracula (2003), (œuvre basée sur la Tétralogie de Richard Wagner).
  • Labyrinthe! Expédition Sonore En Dix Séquences (2003)
  • Voyage Initiatique (2005)
  • Orphée dévoilé (2005)
  • Annonces sonores du tramway de Mulhouse (2006)
  • Deux coups de sonnette, avec la voix de Laure Limongi (2006)
  • Objectif Terre (2007)
  • Utopia (2007) à la saline royale d’Arc-et-Senans
  • Un monde lacéré (2008), dédié à Jacques Villeglé
  • Le fil de la Vie (2012)
  • Continuo ou Vision d’un futur (2016), commande de la Philharmonie de Paris
  • œuvres radiophoniques :

Décorations, prix[modifier | modifier le code]

Liste des différents prix et décorations obtenu par Pierre Henry19,20.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1.  IRCAM« Biographie de Pierre Henry » [archive] (consulté le 8 août 2008)
  2.  « Le compositeur français Pierre Henry est mort » [archive], sur lemonde.fr (consulté le6 juillet 2017)
  3.  Pierre-Michel MengerLe paradoxe du musicien: le compositeur, le mélomane et l’État dans la société contemporaine, Paris, L’Harmattan,  (ISBN 2747516385)p. 29
  4.  (en) Jason Ankeny« Pierre Henry Biography » [archive]AllMusicMacrovision Corporation(consulté le 11 août 2008)
  5. ↑ ab et c « Historique du GRM » [archive]Institut national de l’audiovisuel (consulté le27 janvier 2009)
  6.  Encyclopædia UniversalisEncyclopædia Universalis France, Paris,  (ISBN 2-85229-240-4 (édité erroné), notice BnF no FRBNF35797605)chap. Thésaurus D à K, p. 1686
  7.  « Galerie de compositeurs HENRY Pierre (1927) » [archive], sur http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/ [archive]France Diplomatie (consulté le 27 janvier 2009)
  8.  Anne VeitlPolitiques de la musique contemporaine: le compositeur, la “recherche musicale” et l’État en France de 1958 à 1991, Paris, L’Harmattan,  (ISBN 273845478X)p. 40
  9. ↑ a et b Pierre Henry, Journal de mes sons, Arles, Actes Sud coll. “un endroit où aller”, (ISBN 2-7427-4943-8lire en ligne [archive])chap. Mes seize années-clés, p. 105 à 110
  10.  l’ouvrage du photographe norvégien Geir Egil Bergjord : « La maison de sons de Pierre Henry » [archive] (sorti chez Fage Éditions en 2010 et accompagné d’un CD) montre toute une série de photographies prises dans ce studio de Pierre Henry qui lui sert également d’appartement parisien
  11. ↑ abc et d Anne Rey« Pierre Henry » [archive]Arte (consulté le 11 août 2008)
  12.  Sonhors, « Les studios : Du studio d’essai de la RTF au GRM : Solfège de l’objet sonore » [archive], 2003 / 2008 (consulté le 8 août 2008)
  13.  Serge BersteinPierre MilzaHistoire de la France au xxe siècle. 4. 1958 – 1974, Paris, Editions Complexe,  (ISBN 287027761X)p. 245
  14.  Pierre Henry, Journal de mes sons, Arles, Actes Sud coll. “un endroit où aller”, (ISBN 2-7427-4943-8)chap. Préfaces et Manifestes, Rebonjour, Monsieur Russolo !p. 43 à 45
  15.  Chion MichelPierre Henry, Paris, Fayard (ISBN 2-213-61757-0)p. 158
  16.  Fiche du disque [archive] sur le site Discogs
  17.  Pascal Cordereix« Pierre Henry confie son œuvre à la BnF » [archive]Bibliothèque nationale de France (consulté le 8 août 2008)
  18.  Philippe Robert, Musiques Expérimentales, une anthologie transversale d’enregistrements emblématiques, Marseille, Le Mot Et Le Reste & GRIM (ISBN 978-2-915378-46-7)chap. Pierre Henry, p. 73 à 76
  19.  Services de documentation interne de Radio-France, « Pierre Henry Compositeur français » [archive]Radio-France (consulté le 8 août 2008)
  20.  « PIERRE HENRY Sa biographie » [archive], Universal Music France (consulté le 25 août 2008)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrages de Pierre Henry[modifier | modifier le code]

  • Journal de mes sons, Arles, Actes Sud coll. “un endroit où aller”,  (ISBN 2-7427-4943-8).
  • L’ABCFINOPRSTV, non éd., c. 1984. (Bibliothèque CDMC)
  • Pour penser à une nouvelle musique, 1947 In Journal de mes sons suivi de Préfaces et manifestes, Actes sud, 2004. (Bibliothèque CDMC)

Ouvrages d’analyse[modifier | modifier le code]

  • Martine Cadieu, A l’écoute des compositeurs, “Pierre Henry, le voyage intérieur”, Paris, Minerve, .
  • Michel ChionPierre Henry, Paris, Fayard (ISBN 2-213-61757-0).
  • Françoise Escal, « Les mots et les sons : entretien avec Pierre Henry in Musique et littérature. », Revue des Sciences Humainesno 205,‎ p. 145-153
  • Philippe Robert, Musiques Expérimentales, une anthologie transversale d’enregistrements emblématiques, Marseille, Le Mot Et Le Reste & GRIM (ISBN 978-2-915378-46-7)chap. Pierre Henry, p. 73 à 76
  • (en) Larry SitskyMusic of the Twentieth-century Avant-garde: A Biocritical Sourcebook, Westport (CT), Greenwood Publishing Group (ISBN 9780313296895lire en ligne [archive])chap. Pierre Schaeffer and Pierre Henry, p. 432 à 445.

Vidéographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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