Pour sa quatrième exposition à la galerie RX – la première dans le nouvel espace du Marais-, Fabien Verschaere exposera ses dernières séries de peinture, parmi lesquelles une œuvre monumentale de 2m x 3m ainsi qu’une installation de dessins dans les deux salles vitrine supérieure et inférieure.
« Un homme peut, s’il est vraiment sage, jouir sur une chaise de tout le spectacle du monde, sans savoir lire, sans parler à personne, en n’utilisant que ses sens, à la condition que son âme ne soit jamais triste. » nous dit Pessoa dans ses « Fragments d’un voyage immobile ». C’est à ce type d’oniriques aventures auxquelles nous convie Fabien Verschaere dans « Le Voyage Immobile », son exposition à la galerie RX. Mais plus qu’à Pessoa, c’est au désir tel que le décrit Gilles Deleuze dans son « abécédaire » qu’il fait allusion dans son travail. « Je ne désire pas une femme, je désire le paysage qui est enveloppé dans cette femme. Paysage que je ne connais pas mais que je pressens et tant que je n’aurais pas déroulé le paysage qu’elle enveloppe, mon désir n’aura pas abouti. » nous rappelle le philosophe. C’est avec cette gourmandise et ce désir de nouer des récits à partir de son quotidien, que l’artiste Fabien Verschaere met intuitivement en scène une galerie de créatures étranges, fantasques et proliférantes. Un univers dont, avec ses proches, il est au centre et où on le reconnaît notamment à sa barbe rousse digne d’un maléfique conte de fées.
Toutes ses créatures, qu’elles soient animales, végétales ou minérales semblent surgir d’une volcanique corne d’abondance et revêtent de multiples significations. A décrypter d’urgence, dans l’ordre choisi par le spectateur. Enchevêtrées les unes dans les autres, chaque forme semble générer la suivante dans une logique qui tiendrait du rêve ou du cauchemar. Dans cet agglomérat de figures semi-grotesques qui fait appel à notre mémoire collective, on croise autant la culture populaire que les mythes et légendes qui traversent l’Europe, l’Afrique ou l’Asie. Toutes ces connaissances forment un tout qui ignore les frontières et nous renvoie à une culture globale et universelle. Quant à l’artiste, régulièrement visité par ses anges comme par ses démons, il nous convoque à travers ses dessins, ses aquarelles et ses peintures, dans les limbes de son inconscient. Dans cet univers propice aux métamorphoses, Freud et son « Inquiétante étrangeté », Bruno Bettelheim et sa « Psychanalyse des contes de fées », mais aussi les Surréalistes ne sont jamais très loin.
Il nous renvoie à l’enfance, celle des peurs irrationnelles, des fantasmes et des réminiscences. Pour un peu, on se croirait invité dans le château de la Belle et la Bête revu par Jean Cocteau, à moins qu’il ne s’agisse du manoir hanté de la Famille Addams mâtiné d’une Commedia dell’arte à la sauce Disney. Si la culture populaire est bien présente, on pense aussi à James Ensor et ses personnages carnavalesques, Brueghel ou encore Jérôme Bosch avec ses énigmatiques scènes aux allures prophétiques. Pour cette exposition, l’artiste rend notamment hommage à ce Bosch avec sa propre version de « La tentation de Saint-Antoine ». Il présente aussi une série de tableaux sur fond rouge qui nous rappellent les murs des temples bouddhistes peints dans cette couleur vitale, celle de la chance en Asie.
Aux dessins, peintures et aquarelles présentés par l’artiste s’ajoute la fresque « One more time » qu’il a spécialement conçue pour la galerie RX. Toutes ces œuvres nous rappellent notamment que le désir est le moteur essentiel de cet incroyable voyage qu’est la vie.
Anaïd Demir
Photographes: Patrick Chelli pour les photos avec Fabien Verschaere
et Juan Cruz Ibanez pour la photo de la fresque à la Galerie RX
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